Arnaud Montebourg, candidat à la présidentielle française de 2022, a proposé de suspendre les transferts d’argent par les immigrés vers leur pays d’origine pour faire plier les États, dont l’Algérie, qui refusent de reprendre leurs ressortissants en situation irrégulière.
« Je suis décidé à taper au portefeuille (…) Il y a onze milliards de transferts d’argent qui passent par Western Union sur l’ensemble des pays d’origine. Nous bloquons tous les transferts aussi longtemps qu’on n’a pas un accueil de coopération (…) Ces transferts d’argent privé sont une manne pour ces pays et nous avons besoin aujourd’hui de dire : ça suffit ».
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Plus qu’un simple dérapage, il s’agit d’un signe supplémentaire de l’extrême-droitisation progressive de la classe politique française et de la banalisation du discours anti-immigration.
« En panne d’idées, Montebourg a regardé en replay les vidéos de ma chaîne YouTube. Bravo, Arnaud ! », a ironisé Eric Zemmour, l’un des premiers à avoir émis la proposition.
Ce n’est pas tant l’idée qui a choqué, puisqu’elle n’est pas nouvelle, ayant été défendue par toutes les voix extrémistes depuis plusieurs semaines, mais le fait qu’elle soit reprise par une personnalité au long parcours au sein de la gauche française.
Un peu comme les propos d’Emmanuel Macron niant l’existence de la nation algérienne avant la colonisation. Le président Tebboune a récemment expliqué à un journal allemand que de tels propos ne dérangeaient pas tant qu’ils étaient tenus par des personnages comme Eric Zemmour, mais qu’ils deviennent inacceptables dès lors qu’ils émanent d’un président de la République.
La question du rapatriement des immigrés clandestins est l’un des principaux points de discorde entre la France et les pays de la rive sud de la Méditerranée dont l’Algérie.
Le 28 octobre dernier, soit deux jours avant les propos controversés d’Emmanuel Macron sur l’Algérie, le porte-parole du gouvernement français a annoncé la décision de son pays de réduire de moitié le quota des visas à délivrer aux ressortissants des pays du Maghreb dans les six prochains mois. Pour les Algériens, ce sera 31 000.
Gabriel Attal a expliqué que la mesure a été prise pour amener les gouvernements des pays concernés à délivrer des laissez-passer consulaires à leurs citoyens sous le coup d’une procédure de reconduite aux frontières. Le taux d’exécution des OQTF (obligation de quitter le territoire français) serait insignifiant, faute de coopération des pays d’origine.
Punition collective et aveugle
Aussi légitime soit l’inquiétude des autorités françaises, du reste souveraines de décider qui doit rester sur le territoire français et qui doit le quitter, il n’en reste pas moins que ce procédé a été dénoncé comme une manière d’administrer une punition collective et aveugle pour le tort d’une catégorie précise et identifiée, les migrants clandestins.
Et c’est aussi le cas de le dire pour cette idée d’empêcher les immigrés légaux de transférer leur argent vers leur pays d’origine. Le montant n’est pas insignifiant.
Ce sont des milliards d’euros qui passent par ce circuit uniquement pour les pays du Maghreb, donc des centaines de milliers de familles qui vivent du travail de leurs enfants de l’autre côté de la Méditerranée. L’Algérie, la Tunisie et le Maroc reçoivent près de 10 milliards d’euros par an de leur diaspora, essentiellement basée en France.
Les dernières statistiques font état de 1,6 milliard d’euros transférés par les Algériens de l’étranger en 2020, 1,7 milliard par les Tunisiens la même année et 6 milliards d’euros par les Marocains en 2021. Le montant transféré par ces derniers a connu un bond significatif de +45 % sur une année, tandis que ceux des Algériens a baissé de 5 %.
L’incidence de la mesure proposée par Zemmour et Mantebourg est peut-être moins significative pour l’Algérie dont une grande partie des transferts se fait par les circuits informels, mais elle risque d’être lourde de conséquences pour un pays comme le Maroc dont les transferts de sa communauté établie à l’étranger constituent la première source de devises.
Ce sont surtout des dizaines de milliers de familles marocaines qui vivent de ces transferts. Tous ces immigrés en situation régulière, qui rendent quotidiennement service à la société française et qui respectent ses lois, ne doivent pas payer, eux et leurs familles, pour leurs concitoyens qui ne sont pas dans la même situation qu’eux.
C’est l’avis par exemple de Jean-Luc Mélenchon, président de la France Insoumise, qui a dénoncé une « mesure d’une cruauté totale » et « injuste » parce qu’elle « frappe des gens qui n’y sont pour rien ».
L’idée de la responsabilité collective ne passe pas et c’est pourquoi M. Montebourg a fait son mea culpa, reconnaissant s’être « mal exprimé ».
« J’ai voulu ouvrir le débat sur cette question », mais « je me suis fait engueuler par des gens que j’aime. J’ai compris que je m’étais mal exprimé, je ne me suis pas fait comprendre de la véritable cible », a tempéré le candidat.