Ce n’est pas une certitude mais on n’en est pas loin: les Parisiens risquent de respirer encore les gaz lacrymogènes avec de nouvelles manifestations des “gilets jaunes” samedi prochain.
Un acte V de la protestation est en train de se dessiner après l’adresse à la nation du président Emmanuel Macron, lundi soir. Si les avis sont plus ou moins partagés sur la pertinence des réponses apportées à la crise qui a ébranlé son pouvoir, personne n’y a vu un électrochoc. Encore moins un virage décisif de son quinquennat comme celui pris par François Miterrand en 1983, lorsque le président socialiste dut mettre la barre à droite.
Le libéral Macron a effectué, lui, une inflexion à gauche. Regrettable du point de vue du quotidien Les Echos. Pour ce journal proche des milieux d’affaires, Macron “n’a pas lésiné sur les moyens d’éteindre le feu” mais “la paix a un goût amer” parce que de son point de vue “la violence a payé”.
Pour le quotidien conservateur Le Figaro ce “n’est plus de l’avenir politique d’Emmanuel Macron, ni même de sa capacité à mettre encore en œuvre ses réformes (au point où en sont les choses, il est à craindre qu’elle soit durablement entamée)” qui est en jeu. Mais “ce qui se joue aujourd’hui dans les rues de nos villes et sur les routes de France, c’est notre avenir démocratique”.
La crainte est donc là, confirmée par Libération. “Le mouvement, selon toutes probabilités, ne s’arrêtera pas du jour au lendemain”, parie son éditorialiste.
Emmanuel Macron a décrété un “état d’urgence économique et sociale”. La parade proposée n’est pas à la hauteur des attentes du point de vue de la majorité des “gilets jaunes”.
Les plus durs d’entre eux continuent de réclamer le départ du chef de l’État. Dans son adresse, Macron a essayé d’ouvrir une brèche dans le mouvement en séparant les radicaux des modérés. Mais aussi de briser l’élan de sympathie et de soutien que le mouvement s’est attiré parmi une écrasante majorité des Français. Surtout ceux qui se sentent exaspérés par les pillages et actes de violence ayant émaillé les manifestations.
“Quand la violence se déchaîne, la liberté cesse”, menace Macron . ” C’est donc désormais le calme et l’ordre républicain qui doivent régner. Nous y mettrons tous les moyens car rien ne se construira de durable tant qu’on aura des craintes pour la paix civile. J’ai donné en ce sens au gouvernement les instructions les plus rigoureuses”, a-t-il insisté, étalant ainsi la peur qui s’est emparée de lui.
En matière de moyens donnés aux forces de l’ordre, le magazine Marianne a révélé que certains des blindés de la gendarmerie déployés pour la première fois à Paris étaient secrètement équipés d’un dispositif radical qui ne devait servir qu’en dernier recours. Il s’agit d’un liquide incapacitant, mettant les gens à terre même quand ils sont munis d’un masque, explique Marianne. Cela va-t-il impressionner les “gilets jaunes” et les amener à se délester de leur chasuble? Une partie d’entre eux peut-être mais pas dans leur ensemble. Ils promettent un “Ve acte” de protestation qui “peut-être sera la fin de la Ve République”.
Sur le front politique, ils ont déjà le soutien du leader de La France Insoumise, Jean-Luc Mélecnchon, favorable à un cinquième acte.
Dans son discours de 13 minutes, Macron a visiblement voulu donner des gages sociaux sans effrayer le monde économique, alors que la crise va faire perdre 0,1 point de croissance à la France au 4e trimestre. La Banque de France a ramené à 0,2% contre 0,4% précédemment, sa prévision de croissance pour le dernier trimestre.
D’où des annonces qui ne pèsent ni sur les plus fortunés ni sur les entreprises. La mesure phare, la hausse pour les salariés au Smic, sera financée par une prime d’activité versée par l’État.
C’est également l’État qui paiera l’exonération de la hausse de CSG pour les retraites inférieures à 2000 euros et la défiscalisation des heures supplémentaires.
Quant à la prime de fin d’année, les entreprises sont appelées à la verser mais sur une base volontaire. Pour nombre de protestataires, ce ne sont que des “miettes”. Alors? “On va continuer à se battre, on n’est pas prêt de partir”, a assuré un représentant.