Nouvelle fronde au sein de la diplomatie française. Cette fois c’est l’éventualité de devoir servir la diplomatie de l’extrême-droite qui fait bouger ambassadeurs et autres diplomates de métier, et fait craindre des jours sombres pour la relation France-Algérie.
Le premier tour des élections législatives en France est prévu dans une semaine, le 30 juin. Le Rassemblement national (RN) est en tête des intentions de vote dans les sondages. Le 9 juin, il était arrivé premier aux élections européennes, avec plus 31% des suffrages.
S’il remporte la majorité absolue aux législatives à l’issue du second tour des législatives prévu le 7 juillet, le parti fondé par Jean-Marie Le Pen et désormais dirigé par Jordan Bardella formera le gouvernement et nommera les ministres parmi ses cadres, y compris celui des Affaires étrangères.
Bien que la politique étrangère soit, en vertu d’une règle non écrite, un domaine réservé du chef de l’État, c’est bien un ministre RN qui dirigera la diplomatie française en cas d’accession du parti au pouvoir.
Une éventualité qui fait craindre un chamboulement de la politique étrangère sur certains dossiers, comme celui de la guerre en Ukraine, des relations avec la Russie ou des rapports avec l’Algérie. Le RN a en effet une position tranchée sur le premier dossier et une position diamétralement opposée sur le second avec celle d’Emmanuel Macron.
Selon le journal Le Monde, une « sourde inquiétude » régnerait en ce moment parmi les diplomates face à la possibilité de « l’arrivée du RN au Quai d’Orsay ».
Depuis quelques jours, un « tract syndical » et une « pétition anonyme » circulent au ministère français des Affaires étrangères, rapporte le même média qui décrit un « climat d’attentisme » et de « défiance » qui a saisi le ministère depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron au soir de la victoire du RN aux européennes.
L’éventuelle arrivée du RN au pouvoir : ce que prévoient des diplomates
Pour le moment, ni l’origine de la pétition ni la liste de ses signataires n’ont été dévoilés. « Nous ne pouvons nous résoudre à ce qu’une victoire de l’extrême droite vienne affaiblir la France et l’Europe alors que la guerre est là », est-il écrit dans le texte.
Une telle éventualité (victoire du RN) risque d’être interprétée comme une « invitation à l’ingérence », à « l’agressivité contre l’Europe, y compris militairement » et à « la vassalisation économique de la France et du continent », ajoute-t-on.
Parallèlement, un tract de la branche du Quai d’Orsay de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), circule.
Ses rédacteurs expriment la nécessité que l’administration « demeure après les législatives en mesure de servir le pays et les citoyens, sans ingérence étrangère et dans le strict cadre de l’Etat de droit » et que « nul ne puisse être inquiété pour ses convictions politiques et religieuses ni discriminé du fait de ses origines géographiques ou sociales ». Pour ce syndicat, « l’obligation de loyauté ne peut pas être sans limite ».
En novembre dernier, une dizaine d’ambassadeurs en poste dans le monde arabe avaient saisi l’Elysée, tirant la sonnette d’alarme sur la dégradation de l’image de la France dans la région suite à ses positions sur la guerre de Gaza déclenchée un mois plus tôt.
Ils ont été imités dans la foulée par des diplomates à la retraite qui ont eux aussi réclamé, dans une tribune publiée dans Le Monde, plus d’équilibre dans la position de la France.
L’autre question qui taraude les diplomates français et même l’opinion publique concerne l’identité de celui que le RN nommera comme chef de la diplomatie en cas de majorité absolue aux législatives.
Le nom du député européen Thierry Mariani est évoqué, même s’il est quelque peu affaibli par les soupçons qui entourent ses liens avec la Russie, la Syrie ou encore le Maroc.
Xavier Driencourt, futur ministre des affaires étrangères ?
Il y a aussi Xavier Driencourt, deux fois ambassadeur de France en Algérie (2008-2012) et (2017-2020).
Xavier Driencourt est l’unique ancien ambassadeur qui ne cache pas son soutien au Rassemblement national avec lequel il partage la même revendication d’une ligne dure vis-à-vis de l’Algérie, que ce soit sur la question de la mémoire ou celle de l’immigration.
Mesure phare promise par le RN, la révocation de l’accord algéro-français de 1968 sur l’immigration est en effet une idée que Xavier Driencourt a été le premier à formuler en mai 2023.