La France a un nouveau Premier ministre. Gabriel Attal, l’homme qui a interdit l’abaya à l’école, a été nommé ce mardi 9 janvier par le président Emmanuel Macron, en remplacement d’Elisabeth Borne qui a démissionné lundi à la demande du chef de l’Etat.
Gabriel Attal a deux particularités, accessoires en principe, mais qui sont mises en exergue par tous les commentateurs français : à 34 ans, il est le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la Ve République et le premier à assumer publiquement son homosexualité.
Le record de précocité pour un Premier ministre était jusque-là détenu par Laurent Fabius, 37 ans lorsqu’il a été nommé par François Mitterrand en 1984. Gabriel Attal a été aussi le plus jeune ministre français en occupant, à 29 ans en novembre 2018, le poste de secrétaire d’Etat à la Jeunesse et au Service national universel.
Au-delà de ces records et de ces spécificités, le nouveau Premier ministre n’est pas facile à caser politiquement, à l’image du macronisme dans son ensemble.
Dans les postes ministériels qu’ils a occupés, Gabriel Attal n’était pas en charge des grands dossiers qui ont déchiré la France ces derniers mois comme la réforme des retraites ou l’adoption de la loi immigration.
Son fait marquant reste l’interdiction, en tant que ministre de l’Education, du port de l’abaya à l’école en septembre dernier. Il a été fortement soutenu par la droite et l’extrême-droite dans ce projet, mais très critiqué par l’extrême gauche qui a dénoncé une mesure discriminatoire à l’égard des musulmans, puisque cette longue robe est considérée comme un habit islamiste.
L’interdiction de l’abaya qui a suscité une énième polémique sur la place des musulmans en France a boosté la popularité de Gabriel Attal auprès de la droite et de l’extrême-droite dans un contexte de montée en puissance du courant extrémiste en France. La députée Clémentine Autin avait dénoncé alors une « mesure symptomatique du rejet obsessionnel des musulmans » en France.
L’avocat Nabil Boudi rappelle le rôle de cet épisode dans la popularité du désormais ex-ministre de l’Education qui « avant ça, il n’existait pas ».
Outre l’abaya, beaucoup en France retiennent aussi qu’il a supprimé 600 postes dans l’éducation pour la rentrée en cours.
Issu de la gauche, considéré comme une figure de l’aile gauche de la Macronie, mais c’est la droite plutôt que la gauche qui applaudit l’arrivée de Gabriel Attal au sommet du gouvernement.
Un homme de gauche qui est plus à droite que la droite ? C’est en tout cas ce que pense de lui Eric Ciotti, le président des Républicains. Selon une révélation faite en octobre dernier par L’Express, Eric Ciotti lui aurait dit en privé : « Pour un mec de gauche, tu es plus à droite que moi ! Si tu étais de droite, qu’est-ce que ça serait ? ».
L’un des premiers à féliciter Gabriel Attal après sa nomination comme Premier ministre c’est sans surprise le président des Républicains. « Je forme des souhaits sincères à notre nouveau Premier ministre », a déclaré Ciotti tout en disant espérer des « actes » et « la fin du en-même-temps ».
Boosté par l’abaya, Gabriel Attal continue de gravir les échelons en France
Bruno Retailleau, président du Groupe LR au Sénat, a estimé pour sa part que Gabriel Attal « sera un bon Premier ministre s’il parvient à mener une politique de redressement des comptes publics, de retour de l’autorité… »
Une illusion cependant pour toute la gauche qui ne voit en la nomination de Gabriel Attal la poursuite du statut quo et même la « disparition » de la fonction de Premier ministre.
Le plus virulent est, sans surprise encore, Jean-Luc Mélenchon qui juge qu’avec cette nomination, Attal ne fait que retrouver « son poste de porte-parole » du gouvernement et que « la fonction de Premier ministre disparaît » en France. « Le monarque présidentiel gouverne seul avec sa cour. Malheur aux peuples dont les princes sont des enfants », a dénoncé le président de La France Insoumise (LFI).
Même pessimisme chez le Parti socialiste (PS) dont le Premier secrétaire Olivier Faure a ironisé que « Macron se succède donc à lui-même ».
« Changement de casting, mais pas de politique. Chronique d’un désastre annoncé », a jugé pour sa part la députée écologiste Cyrielle Châtelain, tandis que Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste, a estimé qu’il s’agit de « tout changer pour que rien ne change ».
« Il est peut-être jeune, mais il porte un projet vieux comme le monde : celui de la destruction des services publics », a fustigé pour sa part le sénateur communiste Ian Brossat.
La désillusion de la gauche est partagée par l’extrême-droite dont les principaux représentants ont mis en avant le maintien du statut quo.
« Une macronienne est remplacée par un macronien qui va remplacer des macroniens par d’autres macroniens », a écrit Eric Zemmour sur X, tandis que Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, a accusé Emmanuel Macron de chercher à « s’accrocher à la popularité sondagière » de Gabriel Attal pour « atténuer la douleur d’une interminable fin de règne ». Jordan Bardella a proposé ses services comme Premier ministre après le premier échec de la macronie à faire adopter le projet de loi sur l’immigration.
Et il n’est pas le seul à le penser en France où de nombreux analystes estiment que le président Macron veut sauver ce qui reste de son quinquennat en nommant comme Premier ministre celui qui a été désigné « personnalité politique préférée des Français » en décembre 2023.
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