Entre la révolte des gilets jaunes qui se poursuit malgré un souffle perdu à Noël et le blues de ses collaborateurs, le président français risque de vivre une année qui ne correspond pas à ses souhaits. En tout cas, pas telle qu’il l’a présentée lors de ses vœux aux Français, au soir du 31 décembre.
Face à ses concitoyens, Emmanuel Macron a soigné la forme de son intervention : raide dans la posture et ferme dans les principes. Il entend poursuivre ses réformes, en dépit du vent de la révolte automnale qui l’a précipité dans le fond des sondages et au bas de l’échelle d’estime des Français. Loin de la contrition et de l’empathie de sa précédente intervention, il a choisi l’offensive face aux insurgés, auxquels il a dénié le droit de parler au nom du peuple.
Plutôt agressif, il les a identifiés comme les “porte-paroles d’une foule haineuse” qui “s’en prennent aux élus, aux forces de l’ordre, aux journalistes, aux juifs, aux étrangers, aux homosexuels”. Une foule qui incarne, selon lui, la “négation de la France”, a enfoncé le président qui se réclame de la légitimité des urnes en réponse aux appels à sa démission.
Réplique aussi cinglante des gilets jaunes dans une lettre ouverte qui lui a été adressé jeudi. Les propos du chef de l’État sont qualifiés de “véritable appel à la révolte citoyenne, voire à la guerre civile pour ceux qui n’ont plus”. “Vous vous trompez, nous ne traitons nullement de la négation de la France mais de l’espoir d’une nouvelle France, plus à l’écoute de ceux qui en sont le sang”, lui répondent-ils en l’accusant à leur tour de vouloir asservir le “peuple de France” sous le couvert de “l’ordre républicain”. Un ordre qui s’est traduit par une répression des dernières manifestations, dénoncée par les ONG de défense des droits de l’homme et par des juristes. Elle s’est aussi exprimée sous la forme de centaines d'”arrestations préventives” qui ont consisté à empêcher les protestataires de se rendre aux manifestations. Ce qui est une atteinte à un droit constitutionnel parce que les manifestations sont considérées comme une composante de la démocratie comme la liberté de la presse.
“Comprenez-vous que vous appelez à une véritable lutte des classes néfaste à l’unité et à la cohésion de la France ? Avez-vous conscience que dans chacune de vos prises de position vous insultez l’intelligence des citoyens de la France”, demande la lettre signée “la France en colère”. Et d’avertir : “la colère va se transformer en haine si vous continuez de votre piédestal, vous et vos semblables, à considérer le petit peuple comme des gueux, des sans-dents, des gens qui ne sont rien”.
La lettre rappelle la révolution Orange en Ukraine et promet de “faire mieux et d’aller plus loin”. Elle annonce l’acte VIII de la contestation avec de nouvelles manifestations sur les “places symboliques”, ce samedi 5 janvier. À Paris, ce sera face à l’hôtel de ville où sera lue une allocution de réponse au président.
Cette riposte intervient alors que le président peine à s’extirper de la fange où l’a entraîné son ancien conseiller sécurité, Alexandre Benalla, qui affiche une arrogance laissant croire qu’il serait en possession de secrets compromettants. Emmanuel Macron a quand même confirmé la poursuite de contacts avec le banni de l’Élysée, tout en s’efforçant d’en minimiser la portée. Dans ce climat, la lassitude touche le Cabinet du chef de l’État. “Il entend mais n’écoute personne”, déplore anonymement un des proches cité par Le Parisien.
Son directeur de la communication, Sylvain Fort, a annoncé son départ à la fin du mois. D’autres appellent à l’autocritique pour comprendre comment le président a été conduit au bord du gouffre. Il sera certainement sauvé de la chute. Mais lui restera-t-il de l’énergie pour sauter l’obstacle ?