La perspective de voir l’ancien président français (2007-2012) Nicolas Sarkozy devant un tribunal s’est renforcée jeudi après la décision de la cour d’appel de Paris de confirmer son renvoi devant un tribunal pour les dérapages financiers de sa campagne présidentielle de 2012.
Son avocat, Me Thierry Herzog, a immédiatement indiqué qu’il allait former un pourvoi en cassation, ce qui pourrait repousser le calendrier sur la tenue de l’éventuel procès dans cette affaire dite « Bygmalion ».
La décision prise ce jeudi était initialement attendue le 20 septembre. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris confirme l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel qui avait été prise en première instance en février 2017 par un juge d’instruction, conformément aux réquisitions de l’avocat général, chargé de représenter l’intérêt général.
Si un procès devait avoir lieu, ce serait la deuxième fois qu’un ancien chef de l’État français serait jugé au tribunal dans une affaire politico-financière sous la Ve République, en vigueur depuis 1958, après Jacques Chirac (1995-2007). Celui ci avait été condamné à deux ans de prison avec sursis en 2011 dans le dossier des emplois fictifs de la mairie de Paris qu’il occupait auparavant.
Mais, point notable: M. Chirac n’était pas venu au procès, ayant été dispensé pour raisons médicales.
L’avocat de M. Sarkozy, aujourd’hui retiré de la vie politique et âgé de 63 ans, a déclaré que la décision de jeudi était une « étape ». « Je suis surpris, non pas de la décision, mais du temps que se sont accordé les magistrats pour parvenir à cette décision ».
L’ordonnance confirmée renvoyait M. Sarkozy en correctionnelle pour « financement illégal de campagne électorale ».
Il est poursuivi pour avoir dépassé le plafond autorisé des dépenses électorales de plus de 20 millions d’euros alors qu’il avait été informé d’un risque de dérapage, ce qu’il réfute.
La facture totale s’était envolée à plus de 42,8 millions d’euros, soit près du double du seuil autorisé fixé à 22,5 millions.
Douze des treize autres protagonistes renvoyés pour complicité de « financement illégal de campagne électorale », qui avaient eux aussi fait appel, n’ont pas obtenu gain de cause.
– Fausses factures –
L’avocat de Nicolas Sarkozy avait fait valoir en mai que l’ancien président avait déjà été condamné définitivement en 2013 par le Conseil constitutionnel pour ce dépassement du plafond. Mais cette sanction, intervenue avant la révélation des fausses factures de l’agence de communication Bygmalion, portait sur un dérapage, bien inférieur, de 363.615 euros.
Révélée en 2014, l’affaire Bygmalion s’est nouée autour d’un vaste système de fausses factures pour masquer l’emballement des dépenses de meetings alors organisés par Bygmalion, en profitant de la faiblesse des contrôles.
Des cadres de l’agence de communication et Jérôme Lavrilleux, l’ex-directeur adjoint de la campagne, avaient reconnu l’existence de cette fraude ayant consisté à déplacer vers l’UMP (le parti de droite à l’époque) quelque 16,2 millions d’euros de dépenses qui auraient dû figurer au compte de campagne du candidat.
D’anciens cadres de l’UMP, ainsi que des responsables de la campagne, dont Guillaume Lambert ou Jérôme Lavrilleux, des dirigeants de Bygmalion et des experts-comptables sont également renvoyés pour faux, escroquerie ou complicité, abus de confiance ou recel. Des faits pour lesquels Nicolas Sarkozy n’a pas été poursuivi.
Si le juge Tournaire a estimé qu’il avait « incontestablement bénéficié des fraudes » pour disposer de moyens de campagne conséquents, l’enquête n’a pas permis d’établir que le candidat les ait ordonnées ou qu’il ait été informé du montage.