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France : l’Algérie est-elle devenue une cible trop facile ?

France : l’Algérie est-elle devenue une cible trop facile ?

Par luzitanija - Adobe Stock
France - Algérie

Les attaques de l’extrême-droite et d’une partie de la presse françaises contre l’Algérie ne s’estompent pas. Elles redoublent de férocité et contribuent à exacerber la crise entre les deux pays.

L’Algérie est maintenant accusée de chercher à « humilier » la France. Face aux attaques et gestes émanant de personnalités et autres États étrangers, les mêmes voix françaises qui se drapent de patriotisme ne soufflent pas mot.

L’Algérie est devenue une cible bien trop facile pour une grande partie de la classe politique française et de certains médias proches de cette mouvance.

Sans même une échéance électorale qui pointe à l’horizon, l’Algérie est un des sujets dominants de l’actualité en France depuis quelques semaines. Le courant extrémiste a toujours fait de l’Algérie et de sa diaspora le parfait bouc émissaire de tous les maux de la France.

Depuis l’arrestation en Algérie de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal en novembre dernier, l’Algérie est accusée de vouloir « humilier la France ». Le même grief est retenu et partagé cette fois par un membre du gouvernement, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, après le refus des autorités algériennes d’accueillir un influenceur algérien expulsé de France. Cette affaire des influenceurs a valu à l’Algérie un reproche supplémentaire, celui de chercher à « déstabiliser » la France.

L’Algérie prise pour cible par l’extrême-droite française

Certains médias français rivalisent aussi de formules belliqueuses pour taper sur l’Algérie. Le journaliste de CNews Pascal Praud a affirmé que les deux pays sont en « guerre civile », et le journal Le Point a écrit que l’Algérie utilise contre la France « l’arme de la diaspora ».

Toutes ces voix qui prétendent défendre la France contre un État étranger auraient gagné en crédibilité si elles avaient montré la même indignation lorsque le pays a été humilié pour de vrai, par des États étrangers autres que l’Algérie, remarquent des dirigeants politiques algériens.

Il y a à peine deux mois, un incident d’une extrême gravité est presque totalement passé inaperçu. En novembre dernier, la police israélienne a interpellé violemment deux gendarmes français et les a plaqués contre le sol devant les caméras, en marge d’une visite officielle en Israël du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.

Tout cela s’est produit dans un local géré par la France, donc sous souveraineté française. Cet acte n’a pas été perçu comme une « humiliation » et n’a pas suscité en France des réactions à la hauteur de sa gravité, y compris de la sphère extrémiste qui se réclame du nationalisme.

« La véritable humiliation »

« La véritable humiliation, c’est de voir certains prétendre défendre l’honneur de la France, alors qu’ils sont restés silencieux lorsque Israël a publiquement humilié ce pays en forçant deux gendarmes français à se coucher face contre terre devant le monde entier », a écrit sur les réseaux sociaux le député des Algériens de France Abdelouahab Yagoubi, en réaction aux propos de Bruno Retailleau.

Soufiane Djilali, président de Jil Jadid (opposition) reprend en estimant que la France a « ses propres contradictions et ses propres faiblesses. Elle agit, comme tous les pays pragmatiques, en fonction de ses intérêts et non pas en fonction d’une éthique ».

« Lorsque la tempête médiatique anti algérienne passera, la France tournera la page comme elle l’a déjà fait pour Pegasus avec le Maroc et dernièrement avec l’humiliation qu’elle a subie en Israël avec ses gendarmes », ajoute-t-il.

L’essayiste et consultant français Hakim El Karoui a souligné d’autres « humiliations » que l’extrême-droite française feint de ne pas entendre.

 « On les a beaucoup moins entendu condamner les déclarations de Donald Trump qui veut envahir le Groenland, annexer le Canada et mettre la main sur le canal de Panama. Ils sont aussi pour la plupart restés silencieux après la campagne de calomnie et de haine lancée par Elon Musk contre les dirigeants britanniques et allemands », a-t-il écrit dans l’Opinion.  « On ne gagne jamais à être fort avec les faibles et faible avec les forts », assène-t-il.

Hakim El Karaoui : "On ne gagne jamais à être fort avec les faibles… »

Mais il y a plus grave dans l’attitude de la droite dure et de l’extrême-droite françaises. Le Maroc et son roi ont gravement humilié la France ces dernières années. En 2021, la presse mondiale a divulgué le scandale Pegasus, du nom d’un logiciel israélien utilisé par les services marocains pour espionner des milliers de téléphones de responsables et journalistes étrangers.

Parmi les téléphones écoutés, celui du président français en personne. Et lorsque Emmanuel Macron a tenté une explication avec Mohamed VI, celui-ci lui a raccroché au nez.

La révélation faite en juin 2023 par l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun n’avait pas indigné le courant prétendument nationaliste. Bien au contraire. Pendant toutes ces années, c’est ce même courant qui a maintenu la pression sur le président français pour l’amener à se détourner de l’Algérie et se réconcilier avec le Maroc en lui offrant ce qu’il exigeait comme un droit naturel : reconnaître sa « souveraineté » sur le Sahara occidental. Emmanuel Macron a fini par céder en juillet dernier.

France : l’Algérie, un « bouc émissaire » pour l’extrême droite 

« Le basculement de la France vers une alliance déclarée avec le Maroc ne pouvait qu’exacerber négativement ses relations avec l’Algérie », fait remarquer Soufiane Djilali qui constate lui aussi que « l’Algérie est devenue un bouc émissaire dans la stratégie de l’extrême-droite française à travers ses politiques et ses médias ».

Soufiane Djilali note que « d’un autre côté, l’Algérie est actuellement esseulée. Son intégration aux BRICS ne semble plus l’intéresser, ses rapports difficiles avec plusieurs pays voisins et ou arabes ainsi que son positionnement pro palestinien la mettent dans une posture défavorable vis à vis de ses partenaires potentiels ».

L’Algérie gagnerait à avoir une politique diplomatique « proactive et à éviter de se victimiser, ajoute le chef de Jil Jadid.  A nous d’éviter les pièges qui nous sont tendus par ceux qui ont intérêt à nous entraîner dans des crises inutiles pour ne pas dire problématiques ».

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