“Mépris”, “abus de pouvoir” ou “scandale” : l’arrestation à Paris d’une des figures des “gilets jaunes”, Éric Drouet, a provoqué en France l’indignation de l’opposition, de droite comme de gauche, et pourrait remettre le feu au poudre au moment où la mobilisation semble faiblir.
Placé en garde à vue jusqu’à jeudi après-midi pour “organisation d’une manifestation sans déclaration préalable”, ce chauffeur routier de 33 ans, figure controversée du mouvement, avait été interpellé la veille au soir près des Champs-Elysées à Paris, où il avait appelé à mener une “action” et à “choquer l’opinion publique”.
“Tout ce qui se passe ici, c’est politique, la façon dont c’est fait, c’est politique”, a-t-il déclaré aux journalistes à sa sortie du commissariat de police parisien où il était entendu.
Éric Drouet a affirmé que, mercredi, il devait juste rencontrer d’autres “gilets jaunes” pour un “rendez-vous au restaurant”. “On cherche à nous mettre des responsabilités sur le dos, alors qu’il y en a pas du tout”, a-t-il encore dit.
“Éric Drouet est libre aujourd’hui, dans une opération purement et bassement politique, qui n’a rien de juridique”, a commenté son avocat, Me Kheops Lara, qui a dénoncé une arrestation “totalement arbitraire”.
Soutien affiché du mouvement des “gilets jaunes”, la cheffe du parti d’extrême droite Rassemblement national, Marine Le Pen, a dénoncé sur Twitter une répression opérée par l’exécutif : “Les vœux de hargne du 31 décembre et la violation systématique des droits politiques de ses opposants dessinent un visage terriblement inquiétant d’Emmanuel Macron”.
“Abus de pouvoir. Une Police politique cible et harcèle désormais les animateurs du mouvement” des gilets jaunes, avait tweeté le chef de file du parti de la gauche radicale, La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, juste après l’arrestation de celui pour lequel il avait avoué sa “fascination”.
Taxant le gouvernement d'”amateurisme”, le président des Centristes, Hervé Morin, a quant à lui appelé à “sortir de l’arrogance et du mépris” vis-à-vis des “gilets jaunes”, qui sont mobilisés en France depuis un mois et demi contre la politique fiscale et sociale du gouvernement.
– “Scandale” –
Le 22 décembre, Éric Drouet avait déjà été arrêté à l’occasion du quatrième samedi de manifestations organisées à Paris pour “port d’arme prohibé” – un bâton – et sera jugé le 5 juin.
Le gouvernement et la majorité ont, pour leur part, défendu l’arrestation du routier au nom de l’État de droit.
“Quand quelqu’un organise une manifestation alors qu’elle n’est pas déclarée, c’est qu’il ne respecte pas l’État de droit”, a estimé le ministre de l’Économie français, Bruno Le Maire.
“L’interpellation d’Eric Drouet est un scandale”, s’est emportée Annie, “gilet jaune” à Dijon (est). Pour cette retraitée, qui espère “une révolution” à la fin du mois, cela pourrait même remobiliser.
Déclenchée le 17 novembre, la mobilisation autour de revendications sociales a nettement décru ces dernières semaines mais de nouveaux appels à manifester samedi à Paris et dans plusieurs autres villes ont été lancés ces derniers jours sur les réseaux sociaux.
“Drouet s’est fait arrêter pour rien, il faut qu’on le soutienne”, a affirmé à l’AFP Fabrice, un fonctionnaire “gilet jaune” lyonnais (centre-est de la France) de 46 ans, “on ne lâche rien, les +gilets jaunes+ sont encore là. On est remonté après les vœux de Macron, qui pour nous ont été une déclaration de guerre. Il croit qu’on est une poignée mais il ne voit pas qu’il parle au peuple”.
Dans ses voeux pour 2019, Emmanuel Macron, qui avait annoncé le 10 décembre des mesures sociales et l’organisation d’un débat national afin de trouver une issue à la crise des “gilets jaunes”, a adopté un ton offensif, appelant à “l’unité retrouvée” et affirmant que “l’ordre républicain sera assuré sans complaisance”, une allusion aux violences passées.
“C’est reparti, on n’est pas près de lâcher, et s’il le faut, on tiendra jusqu’à l’année prochaine”, promet Johnny Toulouse, un gilet jaune à Nice (sud-est).