En France, les violences conjugales prennent un autre visage lorsqu’elles touchent des femmes étrangères, qui se retrouvent démunies face à des réalités qu’elles ne maîtrisent pas. Tel est le cas d’une Algérienne en situation irrégulière qui était au cœur d’un récent jugement à Chelles, une commune en Seine-et-Marne.
Son conjoint, un quadragénaire d’origine algérienne, a été jugé par le tribunal correctionnel de Meaux pour violences répétées, en dépit de ses dénégations persistantes.
« La situation des femmes n’est pas facile en France »
La gravité de la violence conjugale contre les femmes sans papiers a marqué les débats de l’audience tenue ce 28 octobre. Stéphane Léger, le président du tribunal, n’a pas mâché ses mots face à l’accusé, Abdel : « Vous êtes un tyran, Monsieur, ça s’appelle comme ça ! Votre femme a peur ».
Des déclarations cinglantes qui ont fusé après que l’homme, via un interprète en langue arabe, a tenté de se justifier à coups de « ma femme a la peau sensible, on la touche et il y a des bleus direct », rapporte Le Parisien.
Cette Algérienne, qui vit en Île-de-France sans papiers, est plus jeune que son mari de 15 ans. Sans emploi et en situation irrégulière, elle vit dans une précarité extrême, ce pourquoi elle n’a jamais osé porter plainte.
Les femmes étrangères dans la même situation sont généralement coincées par la méconnaissance de leurs droits en France, ainsi que par la peur de représailles.
Un point particulièrement soulevé lors de l’audience par Alexandre Boulin, le substitut du procureur :
« La situation des femmes n’est pas facile en France. Elle est pire quand on est une femme immigrée. Le français n’est pas sa langue maternelle, elle ne maîtrise pas les institutions, elle n’a pas de famille, pas d’amis dans ce pays. Elle se retrouve sous la tutelle d’un homme. Et qui peut-elle aller voir quand elle est victime de violences conjugales ? ».
Ainsi, la jeune femme algérienne s’est retrouvée livrée à elle-même. Comme l’a rappelé Me Laure Habeneck, l’avocate de la victime, son mari, également en situation irrégulière, exerçait un « contrôle absolu » sur tous les aspects de sa vie : ses vêtements, ses sorties ou encore ses communications téléphoniques.
Précarité, système passif… l’impasse des immigrées sans papiers
Dans ce dossier, la violence ne s’arrêtait pas aux seuls coups. Les filles du couple, âgées de 3, 10 et 11 ans, ont assisté à des scènes effroyables, en plus d’avoir été elles-mêmes la cible des injures de leur père.
« Les deux plus grandes filles aiment leur père, comme tous les enfants, mais elles demandent à être protégées », a déclaré une représentante de l’Aide aux Victimes et Mesures Judiciaires (AVIMEJ).
C’est ainsi que le 20 septembre 2024, l’alerte a été donnée dans une chambre d’hôtel à Chelles, où cette famille algérienne était provisoirement logée par le 115, le dispositif d’urgence sociale. La réceptionniste de l’hôtel, enceinte, a même dû s’interposer pour empêcher Abdel de frapper sa femme allongée au sol.
Le tribunal a fini par prononcer une peine de deux ans de prison avec sursis probatoire, et une interdiction de contact avec sa femme et ses filles.
Cette situation tragique n’est que trop familière pour nombre de femmes immigrées sans papiers en France. Laissées sans défense et coupées de toute ressource, elles sont hélas les victimes invisibles d’un système qui leur offre bien trop peu de recours pour s’en sortir.
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