Devenu un enjeu de politique intérieure, le débat en France sur la colonisation ne s’estompe que pour repartir de plus belle. C’est encore un personnage de la droite qui fait l’apologie de la colonisation qui, selon lui, a aussi ses “belles heures”.
C’est l’un des sujets sur lesquels butent les relations franco-algériennes. Alors qu’Alger exige la reconnaissance des crimes coloniaux, le président français Emmanuel Macron, qui tente d’avancer sur le dossier, fait face à une énorme pression de la droite et de l’extrême-droite qui refusent toute idée de “repentance“.
Bruno Retailleau est président du groupe de Les Républicains au Sénat. Il y a quelques semaines, il a fait partie des personnalités qui ont appelé publiquement à la révocation de l’accord algéro-français de 1968 sur l’immigration.
Retailleau est connu pour ses positions contre la reconnaissance des crimes coloniaux. En 2020, il a soutenu que dans la colonisation, “il n’y avait pas que des heures sombres”.
Trois ans après, il complète sa phrase en déclarant sur Sud Radio que la colonisation, “c’est aussi des heures qui ont été belles, avec des mains tendues”.
S’exprimant dans un contexte de montée d’un sentiment anti-français dans les pays du Sahel, m. Retailleau a reconnu que cette attitude est “sans doute un effet de la colonisation” mais a soutenu, paradoxalement, que les Africains ne demandent pas la repentance de la France. “Quand je me rends en Afrique (…) on me dit qu’ils attendent une France qui ne soit pas repentante, qui soit forte et qui assume”, a-t-il dit.
Pour lui, “c’est l’esprit de repentance qui nous empêche d’avoir une relation franche et loyale avec les pays africains “, dit-il.
Les déclarations du sénateur reflètent une vieille position d’une partie de la droite française qui défend que la colonisation a ses bienfaits. En 2005, une loi adoptée sous le président Jacques Chirac a mis à mal les relations avec l’Algérie en imposant l’enseignement des “bienfaits” de la colonisation à l’école.
France : « La colonisation est un crime »
La loi du 23 février 2005 était considérée comme un texte glorifiant la colonisation car elle stipulait dans son article 4 la reconnaissance des “mérites des combattants français” dans les colonies et imposait que “les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord”.
Après une levée de boucliers parmi l’opposition de gauche et dans les milieux intellectuels, l’article en question a été supprimé en 2006, à l’initiative du président Chirac qui a sollicité l’avis du Conseil constitutionnel.
La réponse la plus notable aux propos de Bruno Retailleau est venue du journaliste connu pour ses positions anticoloniales Jean-Michel Aphatie. Dans l’émission “Quotidien” sur la chaîne TMC, le journaliste a été catégorique, affirmant que l’esprit de repentance “ça n’existe pas”.
“La colonisation, telle qu’elle a existé, c’est une succession de crimes”, a-t-il asséné. Aux prétendues “belles heures” évoquées par le sénateur LR, Aphatie a répondu que “tout ce que nous avons fait a été effacé par les crimes (…) par le sang que nous avons fait couler”.
Plus tranchant, le chroniqueur livre cette définition de la colonisation : “C’est l’armée française qui va quelque part, qui impose sa loi, qui fait déménager les gens des terres et ceux qui résistent, ils sont morts.”
Il étaye ensuite ses propos par des citations de Georges Clémenceau et Aimé Césaire qui déjà, en 1885 et 1950 respectivement, disaient la même chose de la colonisation. Et c’est en Algérie que la conquête coloniale a été la plus atroce, souligne Jean-Michel Aphatie qui regrette que la France ne veuille toujours pas le reconnaître, rappelant la fameuse loi de 2005 qui “a scandalisé le monde entier”.