Le parti d’extrême droite français Front national devient vendredi soir le Rassemblement national sans pour autant abandonner la flamme de son logo, gage de ralliement des militants rétifs à ce changement de nom.
La nouvelle appellation, proposée par sa présidente Marine Le Pen au congrès de mars, est censée marquer le point d’orgue de la refondation d’un parti débarrassé de son passé raciste et antisémite et désireux de trouver des alliés pour gagner.
Mais les alliances tardent à voir le jour et la dédiabolisation n’est pas achevée.
Consultés par courrier depuis le 9 mai, les militants du FN devraient adopter le nouveau nom proposé par leur cheffe, qui annoncera les résultats du vote à Lyon (centre-est) vendredi soir, à l’issue d’un conseil national (parlement) élargi du parti.
« Nous entendons rassembler et pas simplement être un front », a expliqué l’eurodéputé Nicolas Bay sur la chaîne de télévision parlementaire LCP.
Les militants étaient très partagés sur le principe d’un changement de nom, mais le maintien de la flamme « c’est le changement dans la continuité », a ajouté le député du Nord Sébastien Chenu.
– « Trahison » –
Une « trahison », a en revanche réagi le cofondateur du parti Jean-Marie Le Pen. « Plus qu’une étiquette, c’est aussi une longue et courageuse histoire militante que l’on renie », s’est-t-il insurgé en condamnant « les inspirateurs comme les exécutants » de cette décision.
Pour sa fille, Marine Le Pen, la référence, c’est le groupe parlementaire frontiste entre 1986 et 1988 appelé « Front national-Rassemblement national », qui comptait plusieurs députés de la droite classique.
Le RN gardera l’emblème de la flamme, calque du logo du parti néofasciste italien Mouvement Social Italien (MSI), aujourd’hui disparu, dont s’est inspiré politiquement le FN à ses débuts et qui l’a aidé financièrement, rappelle l’historienne Valérie Igounet.
De quoi rallier les 48% de récalcitrants qui avaient exprimé, dans un questionnaire à l’automne, leur opposition à un changement de nom. Une très large majorité de militants s’étaient en revanche dits attachés à la flamme, « identification » au parti et symbole des « combats » menés, disent les militants.
« Ça a toujours été le dilemme du parti, essayer de s’ouvrir à la droite classique et, en même temps, garder le symbole d’un FN qui n’est pas encore éteint », explique Mme Igounet.
– Liste commune –
La flamme, symbole de continuité, incarne de ce fait les thèmes fédérateurs du parti comme la sécurité et l’immigration, que met en avant Marine Le Pen, soucieuse de rassurer des militants sonnés par son échec à la présidentielle de 2017.
« Le FN n’est pas en forme et se replie sur ses fondamentaux », résume Mme Igounet.
La première campagne électorale du FN avec cet emblème, en 1978, s’était d’ailleurs faite sous un slogan qui a fait date : « un million de chômeurs c’est un million d’immigrés en trop ».
L’eurodéputé et économiste Bernard Monot, qui a quitté cette semaine le FN pour rallier le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, reproche aujourd’hui à son ancien parti de « ne plus parler d’économie et de social » et seulement de « sécurité, lutte contre le terrorisme et l’immigration ».
« L’identité » des nations et les origines helléno-chrétiennes de « la civilisation » européenne ont dominé les interventions au rassemblement de Nice (sud-est) le 1er mai entre le FN et ses alliés européens.
Ces dernières semaines, Marine Le Pen a également salué les actions contre les migrants du mouvement radical Génération Identitaire (GI) et les jeunes du FN se sont rebaptisés Génération nation.
L’accent mis sur l’identé et la nation devrait notamment séduire les partisans de l’ex-députée Marion Maréchal, qui a ravivé les conjectures sur son avenir politique en lançant une école de sciences politiques dans laquelle elle veut former des élites « enracinées », dans un « combat culturel nécessaire au combat électoral », au risque de faire de l’ombre à sa tante.
Malgré le nouveau nom, la ligne du RN restera orientée « à droite toute » sur la préférence nationale, rendant hypothétiques les rapprochements, selon le politologue Jean-Yves Camus. Le président du parti de droite Les Républicains Laurent Wauquiez y oppose une fin de non-recevoir et les personnalités approchées n’ont pas encore répondu.
Marine Le Pen a proposé jeudi à son ancien allié à la présidentielle, Nicolas Dupont-Aignan, de figurer sur une liste commune pour les européennes de l’an prochain, alors que le président de Debout la France semble vouloir constituer sa propre liste avec deux autres petits partis.