À l’approche de l’élection présidentielle française du printemps 2022, le président sortant Emmanuel Macron multiplie les gestes envers les communautés qui composent la France, dans le souci évident de ratisser large en vue d’une réélection qui s’annonce compliquée.
Ce lundi 20 septembre, ce sont les Harkis de la guerre d’Algérie qui ont eu droit à un geste fort présidentiel.
Présidant une réception accordée à ces anciens supplétifs de l’armée française durant la guerre d’Algérie, Emmanuel Macron a reconnu que la France a manqué à ses devoirs envers les Harkis et a annoncé une loi de reconnaissance et de réparation en leur faveur.
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« Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance, nous n’oublierons pas (…) La France a manqué à ses devoirs envers les harkis, leurs femmes, leurs enfants », a déclaré le président français devant 300 personnes, des Harkis, leurs descendants et les représentants de leurs associations.
Selon Emmanuel Macron, ils étaient plus de 200 000 à avoir combattu auprès de l’armée française lors de la guerre d’Algérie et « ils avaient rendu d’éminents services ». Mais « la France leur a lâché la main et leur a tourné le dos » et l’accueil qui leur a été réservé, après avoir été rapatriés d’Algérie en 1962, « ne fut pas digne ».
« Ce fut le terrible sort des harkis, exclus, assujettis, empêchés, français toujours, bannis de leur sol natal, bafoués sur leur sol d’accueil », a reconnu Macron.
Un discours qui va dans le sens des revendications de la communauté Harkie, très active, mais le chef de l’Etat français est allé plus loin. Il a promis d’inscrire cette reconnaissance « dans le marbre » des lois de la France et de lui accorder une « réparation ». Ce sera à travers une loi qui, a-t-il promis, verra le jour avant la fin de l’année.
La mémoire algéro-française, un enjeu de politique interne
La question des Harkis figure en bonne place dans le contentieux mémoriel entre l’Algérie et la France. L’Algérie refuse toujours le retour de ceux qui ont pris les armes contre leurs frères en lutte pour l’indépendance. En 2005, le président Abdelaziz Bouteflika, qui vient de décéder à 84 ans, a déclaré que les Harkis étaient indésirables en Algérie, tout en estimant que leurs enfants n’étaient pas responsables du passé de leurs parents.
En juin dernier, le président Abdelmadjid Tebboune a pointé du doigt trois lobbies hostiles au développement des relations algéro-françaises. « Il y a trois lobbys en France. Aucun ne s’entend avec l’autre, et chacun est influent. Il y a le lobby de ceux qui sont partis d’Algérie après l’indépendance. Leurs descendants entretiennent l’esprit de la haine des Algériens. Il y a un autre lobby qui est celui des Algériens qui ont choisi de soutenir la France (allusion aux harkis) et le dernier est celui de l’ancienne OAS (Organisation armée secrète) qui active toujours en France », avait expliqué M. Tebboune dans un entretien à Al Jazzera.
Rejetés par l’Algérie, les Harkis n’étaient pas non plus totalement acceptés par la France où ils ont vécu depuis 1962 presque en marge de la société. Les historiens estiment leur nombre à 200.000 personnes.
Seule une partie a quitté l’Algérie mais le nombre de leurs descendants aujourd’hui est important. En 2012 déjà, ils étaient estimés entre 500 000 et 800 000 individus. Très actifs à travers leurs associations, ils sont de plus en plus courtisés par la classe politique française, notamment à l’approche des échéances électorales. C’est en fait toute la question de la mémoire algéro-française qui est devenue un enjeu de politique interne.
Dans le même temps, Emmanuel Macron a multiplié les gestes d’apaisement envers l’Algérie. En 2017, alors encore en campagne électorale, il avait qualifié lors d’une visite à Alger, la colonisation de « crime contre l’humanité ».
Elu président, il continuera dans la même voie, excluant toutefois la présentation d’excuses. En septembre 2018, il a reconnu la responsabilité de l’Etat français dans la mort du résistant Maurice Audin, en 1957, et la mise en place d’un système de torture par l’armée française en Algérie.
En mars dernier, Macron reconnait qu’un autre résistant algérien, l’avocat Ali Boumendjel, a été torturé et assassiné. Cette reconnaissance faisait suite à la publication du rapport sur la réconciliation des mémoires, commandé par le président français à l’historien Benjamin Stora.