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France : les binationaux au cœur de la polémique

Très proche d’accéder au pouvoir en France, le Rassemblement national (RN, extrême-droite) suscite beaucoup d’inquiétudes parmi les binationaux.

Ces derniers, notamment ceux originaires du Maghreb, ne sont pas eux aussi rassurés notamment après la confirmation par le président du parti qu’il n’auront pas accès à tous les postes de la hiérarchie de l’État français.

À l’approche de sa victoire éventuelle, le RN dévoile peu à peu son véritable visage. Lundi 24 juin, Jordan Bardella, potentiel Premier ministre en cas de victoire du RN aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet, a présenté son programme en conférence de presse.

S’agissant des binationaux, il a confirmé qu’ils ne seront pas tout à fait considérés comme le reste des citoyens français, du moins en ce qui concerne l’accès à certains emplois « stratégiques ».

Si Bardella devient donc Premier ministre, « les postes les plus stratégiques de l’État seront réservés aux citoyens français et aux nationaux français », afin de protéger l’État de « tentatives d’ingérence qui pourraient être orchestrées par des États étrangers ».

Le chef du RN a ainsi confirmé de précédentes déclarations de son adjoint Sébastien Chenu qui a fait part de la volonté du parti d’interdire certains postes aux détenteurs de la double nationalité.

Les arabes et les noirs visés, selon un avocat

Cette confirmation a suscité une avalanche de réactions. Karim Amellal, qui est d’origine algérienne, a été nommé par Emmanuel Macron ambassadeur, délégué interministériel à la Méditerranée. Il a estimé sur X que « cela n’aurait pas été possible sous un pouvoir d’extrême-droite ».

« Ambassadeur et binational, je suis fier et honoré de servir la France tout en étant fier de mes origines », a-t-il nargué Jordan Bardella.

Dans l’état actuel de la législation française, aucune disposition n’empêche les binationaux d’accéder à quelque poste que ce soit. « La France ne fait aucune distinction entre les binationaux et les autres Français sur le plan des droits et devoirs liés à la citoyenneté », rappelle le ministère des Affaires étrangères sur son site.

S’il arrive que des binationaux soient exclus, c’est à de très rares exceptions. « Ça se fait officieusement pour des services très sensibles, comme dans le renseignement ou dans le domaine de l’espionnage », explique Jean-Paul Markus, professeur de droit public, cité par TF1 Info.

Exclusion des binationaux de certains postes : avalanche de réactions en France

Bien qu’il ait précisé qu’il ne remettra pas en cause la double nationalité, l’annonce de Jordan Bardella suscite la crainte que ce soit un premier pas vers une exclusion plus large.

En janvier dernier, Marine Le Pen avait déposé une proposition de loi constitutionnelle à l’Assemblée nationale, au nom du groupe RN, visant à interdire aux personnes portant la nationalité d’un autre État, l’accès à des fonctions dans l’administration et les entreprises publiques.


Pour l’avocat Nabil Boudi, la proposition du RN vise principalement les arabes et les noirs de France. « Quand Bardella parle des binationaux, on sait très bien qu’il parle des arabes et des noirs », a-t-il écrit sur X.


Lundi, sur le plateau de France 2, Jean-Luc Mélenchon est venu répéter la frustration de hauts fonctionnaires binationaux français. « Il sont venus le dire : c’est une honte de suspecter notre loyauté à la patrie des Français », a témoigné le leader de La France Insoumise (LFI).


« Il y a des gens qui sont Français et qui ont à cœur d’avoir la nationalité israélienne. Ils deviennent tous suspects avec le RN », a-t-il accusé.

« Pardon monsieur, un Franco-russe est loyal », a en outre signifié Mélenchon à Jordan Bardella qui, lors de sa conférence de presse, a cité comme exemple qu’on ne peut pas imaginer un franco-russe travailler au ministère de la Défense français.

@jlmelenchonLa chasse aux binationaux de M. Bardella est une honte.♬ son original – Jean-Luc Mélenchon


La journaliste Anne Sinclair, elle, a réagi à la globalité du programme anti-immigrés et anti-étrangers du Rassemblement national.

« On parle aujourd’hui de Français d’origine étrangère. On va faire maintenant des distinctions entre français ? », s’est-elle interrogée sur le plateau de TMC.

La journaliste a tenu à expliquer d’où tient le RN son concept de « préférence nationale ». « C’est un slogan plus chic. Ça s’appelle la France aux Français, le slogan des ligues d’extrême-droite du 20e siècle », a-t-elle assené.


Quant au droit du sol que le parti d’extrême-droite promet d’abolir, Anne Sinclair a rappelé qu’il existe en France depuis 1515 et que même le gouvernement de « Vichy ne l’avait pas aboli ».

Quand la DGSE recrutait des espions d’origine maghrébine

Pour exprimer le danger de l’accession du RN au pouvoir, Anne Sinclair a récité sur le plateau la fameuse citation du pasteur allemand Martin Niemöller.

« Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas socialiste. Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils sont venus chercher les Juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif. Puis, ils sont venus me chercher. Et il ne restait personne pour protester ».

« Je ne voudrais pas qu’on revive cette situation et qu’on ajoute : quand on est venu chercher les musulmans, je n’ai rien dit parce que je n’étais pas musulmane », a conclu Anne Sinclair.

Le Franco-Canadien Olivier Mas, ancien membre de la DGSE, a mis en garde contre une « mesure dangereuse » qui pourrait contribuer à affaiblir la sécurité de la France.

« Au début des années 2000, lorsque le territoire européen a commencé à être frappé par les attentats d’Al-Qaida, la DGSE a décidé de recruter d’une manière significative des Français d’origine maghrébine. En particulier pour faire du contre-terrorisme et aider à infiltrer les groupes terroristes. Cette mesure a été très efficace », a-t-il dit.

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