Près de deux mois après le début du mouvement, les « gilets jaunes » s’apprêtent à redescendre dans la rue un neuvième samedi de manifestations pour démontrer que leur colère n’est pas éteinte, à trois jours du débat national lancé par Emmanuel Macron censé apaiser la crise.
Sur les réseaux sociaux, les appels à manifester samedi à Paris et dans les autres villes françaises ont continué de fleurir et le pouvoir anticipe une mobilisation plus forte et plus radicale que la semaine précédente.
Dans la capitale, une partie des manifestants, dont l’une des figures du mouvement, le chauffeur routier Eric Drouet, ont annoncé se retrouver dans le quartier d’affaires de la Défense, dans l’ouest parisien, mais le véritable lieu sera probablement dévoilé au dernier moment.
Le ministère français de l’Intérieur a prévu de déployer 5.000 policiers et gendarmes dans la capitale, ainsi que des blindés à roues de la gendarmerie. Au total, près de 80.000 membres des forces de l’ordre doivent être mobilisés à travers la France.
Les autorités s’attendent également à une forte mobilisation à Bourges, une ville du centre de la France qui a été choisie par un collectif influent de « gilets jaunes » comme pôle de rassemblement.
Sur Facebook, plus de 2.800 personnes se disaient prêtes vendredi vers 16h00 (15h00 GMT) à y participer. Un peu partout en France des cars sont affrétés ou du covoiturage organisé pour s’y rendre.
Un choix qui préoccupe les habitants et la municipalité de cette ville de 66.000 âmes. « Inquiets, on a des raisons de l’être. Une manifestation de ce type (…) je crois qu’on n’a jamais connu ça », expliquait vendredi le maire de Bourges au micro de RTL.
Selon des sources officieuses, 2.500 membres des forces de l’ordre auraient été affectés à la préfecture de la région.
Après un ralentissement de la mobilisation observé en fin d’année, le mouvement a retrouvé de sa vigueur samedi dernier, où 50.000 personnes ont défilé dans les rues selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, régulièrement contestés par les « gilets jaunes ».
– « Plus de radicalité » –
Cette journée a été marquée par des violences, notamment l’intrusion de manifestants dans un ministère avec un engin de chantier. 345 personnes ont été interpellées dans toute la France, dont 281 placées en garde à vue, selon le ministère de l’Intérieur.
La mobilisation samedi pourrait, selon le chef de la police nationale, retrouver le niveau d’avant Noël: le 15 décembre, 66.000 personnes avaient été comptées en France, selon les chiffres officiels.
A Paris, le préfet de police Michel Delpuech s’attend à une journée de mobilisation marquée par « plus de radicalité ». « Nous observons semaine après semaine une dérive vers des comportements de plus en plus violents », a-t-il déclaré vendredi.
« Ceux qui appellent aux manifestations demain savent qu’il y aura de la violence et donc ils ont leur part de responsabilité », , a prévenu le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, interviewé sur Facebook. Et « ceux qui viennent manifester dans des villes où il y a de la casse qui est annoncée savent qu’ils seront complices de ces manifestations-là », a-t-il ajouté.
Cette journée a valeur de test pour le président Emmanuel Macron et son gouvernement, qui traverse avec ce mouvement la pire crise de son quinquennat.
Depuis le 17 novembre, des Français issus des classes populaires et moyennes dénoncent la politique fiscale et sociale du gouvernement, qu’ils jugent injuste, et réclament plus de pouvoir d’achat.
Ces Français des fins de mois difficiles sont restés insensibles aux concessions annoncées par M. Macron pour tenter d’apaiser la crise.
– Grand débat national –
Outre les mesures sociales, l’exécutif doit lancer mardi un grand débat national pour rapprocher les Français des décideurs politiques.
Cette concertation organisée dans toute la France « est une très grande opportunité. Il faut que chacun la prenne, avec la part de responsabilité, de risque et d’inconnu », a déclaré le chef de l’Etat vendredi.
Par ailleurs, M. Macron a estimé lors d’une cérémonie au palais de l’Elysée que de nombreux Français n’avaient pas assez le « sens de l’effort », une déclaration dénoncée par l’opposition comme une provocation envers le mouvement social.
L’exécutif a fait de la consultation qui va commencer la semaine prochaine sa priorité des premiers mois de l’année, y voyant la porte de sortie de la crise sociale, mais aussi la possibilité de reprendre politiquement la main.
L’enjeu est de taille, au moment où la défiance vis-à-vis des institutions politiques et des acteurs de la vie démocratique en France, au premier chef Emmanuel Macron, est au plus haut, selon une enquête d’un institut français de recherches politiques, le Cevipof.