Les “gilets jaunes” étaient de retour dans la rue samedi pour une douzième journée de manifestations dans toute la France, marquée notamment par un défilé à Paris contre les violences policières émaillé d’incidents à l’arrivée.
Une “grande marche des blessés” s’est tenue dans la capitale, deux mois et demi après le début de ce mouvement inédit contre la politique sociale et fiscale du gouvernement. Les manifestants entendaient notamment protester contre l’usage par les forces de l’ordre des lanceurs de balle de défense (LBD), mis en cause dans plusieurs graves blessures.
Derrière des banderoles réclamant l’interdiction des grenades et des LBD, à Paris quelque 13.800 personnes ont rallié la place de la République, selon le comptage réalisé par le cabinet Occurence pour un groupe de médias dont l’AFP. Ils étaient 10.500 selon la préfecture de police.
Samedi dernier, les autorités avaient recensé 4.000 manifestants dans la capitale.
Au total 58.600 personnes se sont mobilisées ce samedi dans toute la France – contre 69.000 samedi dernier et 84.000 le 19 janvier – selon un décompte du ministère de l’Intérieur.
Ces chiffres sont régulièrement contestés par les “gilets jaunes” qui accusent le gouvernement de minorer la mobilisation.
Sur la place de la République, des heurts ont opposé certains manifestants aux forces de l’ordre qui ont fait usage notamment de gaz lacrymogène, a constaté une journaliste de l’AFP.
Devenu l’emblème des manifestants blessés, le “gilet jaune” Jérôme Rodrigues, gravement touché à l’oeil droit samedi dernier, avait auparavant été acclamé à chacun de ses passages dans le cortège.
Dans la foule, quelques manifestants portaient un faux bandage à l’oeil en solidarité avec les blessés. “C’est intolérable, inacceptable. Ce sont des blessures qui mutilent, qui détruisent des vies alors que nous ne sommes des pacifistes”, a affirmé Antonio, un des organisateurs de la marche et lui-même blessé par une grenade assourdissante.
Selon le collectif militant “Désarmons-les”, 20 personnes ont été gravement blessées à l’œil — la plupart éborgnées — depuis le 17 novembre, date du début du mouvement. La police des polices a été saisie de 116 enquêtes selon une source policière, portant pour dix d’entre elles sur de graves blessures aux yeux.
Saisi en urgence, le Conseil d’Etat – la plus haute juridiction administrative française – a toutefois estimé vendredi que le risque de violences dans le manifestations rendait “nécessaire de permettre aux forces de l’ordre de recourir” aux LBD, une décision jugée “incompréhensible” par des “gilets jaunes”.
Face à la controverse, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a reconnu vendredi que cette arme dite intermédiaire pouvait “blesser” et a promis de sanctionner “les abus”. Mais il en a défendu l’utilisation “pour faire face aux émeutiers”.
– “Vivre et non survivre” –
Le gouvernement, qui a annoncé 10 milliards d’euros de mesures sociales et fiscales et organisé un grand débat national pour tenter d’apaiser la fronde, devrait observer de près le degré de mobilisation des protestataires.
Autre place forte de la mobilisation, Bordeaux (sud-ouest) a été de nouveau le théâtre d’incidents en fin de cortège. Visées par toute sortes de projectiles, les forces de l’ordre ont répliqué en faisant notamment usage de LBD.
A Nantes (ouest), deux policiers, cibles de projectiles, ont été blessés lors d’une manifestation émaillée d’incidents et de dégradations.
Ce samedi, les “gilets jaunes” avaient appelé à se mobiliser en masse à Valence, dans le sud-est de la France, où des mesures de sécurité exceptionnelles avaient été prises et où la plupart des commerces étaient fermés.
Quelque 5.400 manifestants ont défilé dans une ambiance bon enfant dans la ville. Selon la préfecture, 18 personnes y ont été interpellées et “une centaine d’armes blanches ou par destination” saisies.
Un policier a été blessé et quatre personnes interpellées samedi à Morlaix, en Bretagne (ouest), après quelques heurts à proximité de bâtiments publics. Claudie 56 ans, saisonnière au chômage, l’œil bandé, a confié être là “pour le pouvoir d’achat, une vie meilleure, vivre et non survivre”.
Des échauffourées ont aussi éclaté entre forces de l’ordre et “gilets jaunes” dans l’est de la France, notamment à Strasbourg et Nancy.