Jamais peut-être la théorie du complot n’a aussi rapidement prospéré en France. À peine les images de la fusillade de Strasbourg s’étaient emparés des écrans mardi que les “gilets jaunes”, déçus par le discours fait la veille par Emmanuel Macron, ont affiché leur défiance.
Sur les réseaux sociaux où ils s’expriment, ils ont vu une main experte de la manipulation derrière la tuerie. D’autant plus experte que l’attentat a été commis sur un site emblématique de Noël et pourtant bien quadrillé depuis des années.
S’il fallait choquer les Français, Cherif Chekkat n’aurait pas trouvé de lieu plus propice. Surtout que la fête de Noël est considérée comme impie par les radicaux.
Pour les protestataires des ronds-points de France, les stratèges des manipulation veulent dresser les Français contre eux et les contraindre à rentrer se réchauffer au feu de leur cheminée et non au bois allumé sur les routes afin de maintenir aussi longtemps que possible les flammes de la contestation sociale que les annonces du président de la République n’ont pas réussi à éteindre.
Dans les médias, le débat a vite jailli puisque les “insurgés”, en tout cas les plus déterminés d’entre eux, ont refusé de baisser le pavillon de leur révolte. Faut-il battre (ou arracher) le pavé malgré le deuil ? L’équation est très compliquée pour les gilets jaunes parce qu’une pause durant la trêve des confiseurs risquerait de se prolonger jusqu’à endormissement.
Mercredi, le gouvernement a appelé les “gilets jaunes” à la raison, les exhortant à ne pas manifester puisque leur colère a été “entendue” et qu’il y a été “répondu”.
“Au regard (de l’attentat de Strasbourg), il serait préférable que chacun puisse vaquer à des occupations d’un samedi avant les fêtes”, a plaidé son porte-parole Benjamin Griveaux en rappelant que les forces de l’ordre ont été très sollicitées. Avant lui, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a estimé aussi que les manifestations devaient cesser du fait de “l’événement tragique” de Strasbourg.
Il est en jusqu’au Secrétaire du syndicat CFDT, Laurent Berger, qui a estimé de “bon ton” une annulation des manifestations pour ne pas surcharger “la barque des policiers”. “On va bien l’extrême fatigue de ces policiers, de ces agents publics”, a -t-il observé.
Mais plusieurs figures du mouvement de protestation ont opposé une fin de non-recevoir à ces exhortations. “Les gens sont plus mobilisés que jamais”, a assuré l’un d’entre eux, Maxime Nicolle. Selon lui, le discours d’Emmanuel Macron a apporté de nouvelles adhésions puisque le président de la République n’a pas répondu aux attentes.
Pendant que chacun interrogeait sa conscience sur les suites à donner au mouvement, les policiers ont abattu l’auteur de la tuerie dans la ville qu’il ne semble pas avoir quittée. Cherif Ckekkat, a été traqué pendant 48h par des centaines de policiers. Dans un communiqué, l’État islamique a revendiqué les liens entre le meurtrier et l’organisation. Il a été repéré par une femme, en pleine déambulation dans le quartier où sa trace a été perdue après la tuerie. Au moment de l’interpellation, il a ouvert le feu sur les policiers qui ont riposté, a expliqué le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner. Cela va-t-il amener les gilets jaunes à donner vacances aux policiers en guise de cadeau de Noël ? Ils auront peut-être peur de voir le gouvernement le détourner.