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France : les musulmans de nouveau sous pression malgré eux

La décapitation d’un enseignant vendredi 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorine dans les Yvelines en région parisienne relance le débat sur l’islam et l’islamisme en France, et de la communauté musulmane en général.

Alors que la France continue de rendre hommage à l’enseignant assassiné par un jeune tchétchène radicalisé, les membres de la communauté musulmane sont de nouveau sous pression et doivent faire face aux mêmes amalgames qui suivent chaque attentat terroriste attribué à des islamistes radicaux.

Le crime de Monflans survient alors que devrait être présenté dans quelques semaines un texte initialement intitulé projet de loi sur « le séparatisme islamiste » puis rebaptisé « projet de loi renforçant la laïcité et les principes républicains ».

Le changement de l’intitulé du projet cher au président Emmanuel Macron et à son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin répondait justement au souci d’éviter le reproche de cibler encore une communauté déjà fortement stigmatisée.

Intervenant dans un tel contexte, l’attentat commis par un jeune d’origine tchétchène constitue une donne nouvelle qui ne manquera pas de peser sur les débats à venir, au-delà même du projet de loi précité.

Et il n’est pas hasardeux de prédire que les choses ne risquent pas d’aller dans le sens d’une meilleure acceptation des spécificités de la communauté musulmane de France, forte de quelque 5 millions d’individus. Les appels à plus de fermeté vis-à-vis de l’islam politique fusent désormais de partout, jusque des milieux de gauche, charriant les inévitables amalgames dévastateurs.

Plus que les attentats de 2015, le meurtre du professeur d’histoire-géographie a suscité des réactions et des mesures concrètes et immédiates. Promesse solennelle des autorités de tordre définitivement le cou à l’islam politique, descentes chez des activistes radicalisés même n’ayant aucun lien avec l’attentat, procédures pour fermer des mosquées et dissoudre des collectifs associatifs…

Dans la rue, et comme après chaque attentat, des actes islamophobes sont signalés, avec l’attaque d’une mosquée à Montélimar, l’agression de deux femmes d’origine algérienne à Paris, près de la Tour Eiffel, par deux autres femmes « françaises de souche » parait-il, dégradations sur la mosquée Nur el Mohamadi et des tags sur une agence de voyage spécialisée dans le Maghreb à Bordeaux. Le ministre de l’Intérieur a condamné ces actes. Le même Darmanin déclarait la veille qu’il était gêné par les rayons communautaires dans les hypermarchés, provoqué une nouvelle polémique.

De tels actes risquent de se multiplier, de se banaliser, si les politiques français ne font pas le nécessaire pour calmer les esprits. L’islam politique est un terme trop vague pour déterminer avec précision où il commence et où finit l’islam tout court.

Une aubaine pour les thèses xénophobes

Les représentants de la communauté musulmane ont condamné la décapitation de l’enseignant avec force et cela n’a rien de nouveau. Aucune organisation musulmane légale n’a applaudi ni tenté de justifier un des nombreux attentats terroristes commis en France ces dernières années. Le recteur de la Grande mosquée de Paris a affirmé lundi avoir demandé aux imams de consacrer le prêche du vendredi à la « dénonciation du terrorisme islamiste ».

Mercredi sur Europe 1, M. Hafiz a qualifié l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine d’ “acte horrible, un homicide volontaire avec complice et repérage“, en affirmant qu’il lui rappelle la fin des années 80 en Algérie. Pour lui, derrière cet attentat, il y a une “véritable stratégie qui existait dans un certain nombre de pays comme l’Algérie à la fin des années 1980 et au début des années 1990“.

La communauté musulmane est plus que jamais sur la défensive et dans l’incertitude. De quoi sera fait demain ? On sait au moins que le débat « post-Conflans » ne portera pas sur la sacralité des cultes, mise dans la case de la liberté d’expression, à laquelle la France a définitivement signifié qu’elle ne renoncera pas, quoi qu’il arrive. Des enseignants ont même annoncé leur intention de montrer de nouveau les caricatures controversées dans tous les lycées de France à l’occasion de la rentrée.

On s’attardera, sans doute sur la place de l’islam dans la République et des musulmans dans la société et, surtout sur l’immigration et les réfugiés, avec plus d’arguments pour les thèses xénophobes maintenant qu’un enseignant a eu la tête coupée par un jeune « d’origine immigrée », « au nom de l’islam ». Pour un courant bien connu en France, le crime tombe comme une aubaine et ses dividendes pourraient ne pas être bien loin. L’islam n’est peut-être qu’un bouc-émissaire.

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