Plus de 130.000 personnes dans la rue, des écoles fermées, des transports très perturbés : les réformes tous azimuts du président français Emmanuel Macron subissaient jeudi leur plus grand test social.
Hors Paris, plus de 130.000 personnes ont manifesté en France, selon une compilation de chiffres fournis par la police. Un premier décompte du syndicat CGT faisait état de son côté de 400.000 manifestants dans toute la France.
A Paris, la CGT a recensé plus de 25.000 manifestants dans la manifestation des cheminots et quelque 40.000 dans celle des fonctionnaires.
« Aujourd’hui est un jour qui fera date », a affirmé Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT fonction publique, premier syndicat.
Le gouvernement « pose des bombes à fragmentation qui sont en train de détruire peu à peu les fondements mêmes de notre modèle social et républicain », a relevé Pascal Pavageau, futur numéro un du syndicat FO.
Des affrontements sporadiques ont éclaté à Paris entre des jeunes encagoulés jetant des projectiles et des policiers faisant usage d’un canon à eau et de gaz lacrymogènes.
Les cheminots protestent contre un projet de réforme de la SNCF, l’opérateur du rail français. Le gouvernement veut la transformer en société anonyme et abandonner le statut très protégé de cheminot pour les nouveaux embauchés. ce statut garantit notamment l’emploi à vie.
A la SNCF, un arrêt de travail suivi par plus d’un tiers des employés, selon la direction, a entraîné de fortes perturbations, avant même la grève intermittente (deux jours tous les cinq jours) prévue à partir du 3 avril et pour trois mois.
Quant aux fonctionnaires (hôpitaux, enseignants, contrôleurs aériens, etc.), leur grève a provoqué nombre de fermetures d’écoles, de crèches et de bibliothèques et des annulations de vols.
Les fonctionnaires étaient déjà des centaines de milliers à manifester le 10 octobre contre la suppression annoncée de 120.000 postes au cours du quinquennat, sur un total de 5,64 millions d’agents.
La colère s’est intensifiée avec l’annonce d’un projet de réforme prévoyant des plans de départs volontaires et un recours accru à des personnels non bénéficiaires du statut de fonctionnaire.
« Cette fois, Emmanuel Macron entre dans le dur », proclame un éditorial du quotidien de droite Le Figaro, car « avec les réformes de la SNCF et de la fonction publique, le voilà qui s’attaque à l’Everest du conservatisme français et aux derniers régiments du syndicalisme le plus radical ».
Le président de 40 ans garde le cap de ses promesses de campagne de « transformer » la France, un pays qui n’est pourtant « pas réformable », avait-il dit en août.
– 22 mars 1968 –
Parfois surnommé le « président Teflon », Emmanuel Macron a jusqu’à présent réussi à éviter les contestations sociales d’ampleur, en particulier la refonte très controversée du droit du travail, à l’automne dernier.
Toutefois, selon un sondage diffusé jeudi, si une majorité de Français (58%) jugent la politique du gouvernement conforme aux engagements de campagne d’Emmanuel Macron, près des trois quarts (74%) la trouvent « injuste ». Un sentiment qui progresse dans la population : +6 points en trois semaines.
La grogne sociale réveille le spectre de 1995. Une grève massive, la plus importante en France depuis mai 1968, avait alors paralysé le trafic ferroviaire pendant une vingtaine de jours, contre un projet de réforme des retraites voulu par l’ancien Premier ministre Alain Juppé. Le gouvernement de droite avait alors fini par reculer.
« Le dernier qui a dit qu’il ne plierait pas, c’était Juppé. Il a fini par plier. Demain, ce sera Macron », a assuré Philippe Boutant, un agent de conduite de 52 ans syndiqué CGT.
« Je cours moins vite qu’en 68 mais je gueule plus fort », assurait non sans humour une pancarte brandie par une retraitée manifestant à Montpellier (sud), en référence à la mobilisation des étudiants de Nanterre, dans la banlieue de Paris, le 22 mars 68, il y a cinquante ans jour pour jour, qui avait lancé la « révolte » de mai 68.