Le premier tour de l’élection présidentielle française, qui s’est déroulé dimanche 10 avril, a rendu son verdict, sans grosses surprises. Les sondages ne se sont trompés que sur l’ampleur des scores des outsiders et des candidats des partis traditionnels.
Le premier tour de cette élection 2022 livre deux principaux enseignements : la confirmation de l’extrême-droitisation de la société française et une déconfiture qui sonne peut-être la fin des deux familles politiques qui ont gouverné la France sous presque toute la Ve République.
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Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’affronteront donc au second tour, comme en 2017 mais avec des données nettement différentes. Si, il y a cinq ans, Emmanuel Macron était quasiment assuré d’être élu dès le soir du premier tour, l’issue s’annonce très incertaine cette fois.
Les premiers sondages réalisés dès l’annonce des résultats du premier tour annoncent certes la réélection d’Emmanuel Macron, mais sur le fil.
Le président sortant est donné au coude à coude avec la candidate du Rassemblement national (RN) au second tour, avec des scores compris entre 51 et 54% pour le premier et 46 et 49% pour la seconde. En 2017, Emmanuel Macron l’avait largement emporté face au même adversaire avec 66%.
Pour la première fois, l’accession de l’extrême-droite au pouvoir en France se présente comme une éventualité très probable et très imminente, de surcroît que les dynamiques des deux finalistes connaissent des tendances opposées depuis quelques semaines, à la baisse pour Emmanuel Macron, en nette hausse pour Marine Le Pen. Les deux candidats ont obtenu au premier tour 27,6 et 23,4% des voix respectivement.
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Même les reports de voix ne se présentent pas tout à fait conformes aux affinités des sensibilités politiques les unes avec les autres, toujours d’après les premiers sondages post-premier tour.
Exemple : Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième avec 22% des voix, n’a pas explicitement appelé à voter Macron, mais a insisté pour que « aucune voix ne soit donnée à Marine Le Pen ». Néanmoins, une partie (20% tout de même, selon un sondage) des électeurs de son parti d’extrême-gauche, La France insoumise, ont l’intention de voter pour la candidate d’extrême-droite.
Plus qu’un vote-sanction contre la politique d’Emmanuel Macron de ces cinq dernières années, une telle attitude traduit la banalisation du discours de l’extrême-droite et la dédiabolisation de ce courant politique entamée par Marine Le Pen avec l’exclusion, en 2015, de son père, Jean-Marie, fondateur de l’ancêtre du parti, le Front national.
Changement irréversible du visage politique de la France
C’est cette « normalisation » qui change tout pour cette élection 2022. Un « front républicain », comme en 2017 et en 2002 lors du duel Chirac-Le Pen père, a moins de chances et de raisons de se former.
L’ex-polémiste Éric Zemmour, arrivé quatrième avec un peu plus de 7% des voix, a aussi, malgré lui, contribué à cette œuvre de dédiabolisation. En développant un discours ouvertement raciste envers les immigrés d’origine maghrébine et musulmane et en défendant sans complexe l’idée d’une France blanche et chrétienne, Eric Zemmour a permis au Rassemblement national de paraître sous un jour nouveau, celui d’un parti pas aussi extrémiste qu’on le présentait.
Le reste de la classe politique -plusieurs partis et candidats en tout cas-, y a aussi contribué en reprenant à son compte, à différents degrés, les thèmes et thèses chères à l’extrême-droite et liés à l’immigration, la sécurité et l’identité.
Ce « reniement » n’a pas pour autant permis à la droite traditionnelle, représentée notamment par le parti Les Républicains, d’amortir sa chute inexorable.
Sa candidate, Valérie Pécresse, lançait ce lundi matin des appels aux dons, son score de moins de 5% ne lui permettant pas de prétendre au remboursement de ses frais de campagne électorale. La déconfiture est encore plus significative du côté du Parti Socialiste avec le rachitique 1,7% obtenu par Anne Hidalgo.
Cette fin annoncée des deux grands partis traduit le changement peut-être irréversible du visage politique de la France. Une France qui s’apprête à mettre plus tôt que prévu son destin entre les mains de l’extrême-droite. Si elle ne le fait pas le 24 avril, elle n’aura fait, en tout cas, que reporter l’échéance.