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France : Macron annonce un inquiétant débat sur l’immigration

C’est l’invitée surprise au discours à la nation d’Emmanuel Macron, lundi soir : l’immigration. Cela n’a pas constitué un thème particulier dans la révolte des “gilets jaunes” et les territoires où les immigrés vivent en majorité sont restés calmes.

Du coup, c’est la surprise. Et l’inquiétude, parce que les propos du chef de l’État ravivent un mauvais souvenir d’il y a dix ans quand Nicolas Sarkozy avait dû stopper brutalement un débat sur le sujet, initié par son ministre de L’Immigration et de l’Identité nationale, Eric Besson.

“Je veux aussi que nous mettions d’accord la nation avec elle-même sur ce qu’est son identité profonde. Que nous abordions la question de l’immigration” a déclaré lundi soir Emmanuel Macron. Il n’y a pas plus de précisions pour l’instant mais le lien est établi encore une fois entre “immigration” et “identité nationale”. Il y a dix ans, le débat était devenu un défouloir où la parole raciste n’était plus contenue.

Le débat annoncé “n’augure rien de bon”, a déploré le président de SOS Racisme, Dominique Sopo. Dans un communiqué titré “Les immigrés comme boucs émissaires ?”, M. Sopo s’étonne que M. Macron ait évoqué l’immigration dans un discours où “les questions posées étaient notamment celles de la répartition des richesses et des attentes de la jeunesse lycéenne”.

“Les propos avaient beau être le plus elliptiques possibles, chacun comprendra qu’ils n’augurent rien de bon. Que les choses soient claires : toute tentative consistant à jeter les immigrés en pâture des frustrations sociales sera combattue sans relâche par SOS Racisme”, prévient M. Sopo, en se disant “plus que perplexe” sur les termes employés par M. Macron.

Vouloir troquer les attentes sur “la répartition des richesses” et l’avenir de “la jeunesse lycéenne” exprimées par les manifestations actuelles “contre le traitement digne des immigrés, ce serait faire preuve d’un décalage vis-à-vis de ces attentes, en plus de faire preuve d’un cynisme inadmissible”, conclut-il.

Interrogé par TSA, le délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri, s’est dit “surpris” et “déçu” par Emmanuel Macron pour lequel il avait appelé à voter lors de la présidentielle de mai 2017. “C’est un débat malsain qui s’annonce”, craint M. Zekri qui dénonce une “diversion” et une “manipulation” alors que, observe-t-il, les habitants des quartiers à forte communauté immigrée “se sont tenus tranquilles” lors des dernières manifestations. “Les jeunes des banlieues ont voulu éviter d’être confondus avec les groupuscules de l’extrême droite ou de l’extrême gauche qui se sont joints” aux cortèges des manifestants, note-t-il.

L’annonce du débat intervient alors que Macron souhaite réformer la représentation de l’islam. Pour cela, il a lancé des assises de la laïcité qui doivent déboucher sur une révision de la loi de 1905 de séparation des églises et de l’État.

“Notre volonté est (…) de conforter la loi de 1905 dans le monde de 2018”, a expliqué son ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, dimanche, devant un congrès des musulmans de France. À l’occasion, les intervenants ont préféré se présenter comme des “citoyens français de culte musulman” pour insister sur leur citoyenneté “à part entière”. La notion de “musulmans de France” semble poser problème puisqu’elle maintient ces citoyens dans l’hypothèse d’un mythe du retour au pays d’origine. En somme, des étrangers de toujours.

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