L’exercice était difficile. Un numéro de haute voltige. Comment céder aux demandes du mouvement insurrectionnel des « gilets jaunes » sans renoncer à ses réformes, à ses promesses électorales.
Dans une « adresse à la Nation » télévisée, le président français Emmanuel Macron a annoncé quelques mesures, comme l’augmentation du Smic de 100 euros par mois, une annulation de la CSG pour les retraites de moins de moins de 2.000 euros.
Il a concédé que cette mesure n’était « pas juste ». C’est un petit coup de barre à gauche qui rompt avec son orthodoxie financière, surtout que ses ministres avaient exclu ces avancées.
A-t-il convaincu ? Le compte n’y est pas, à écouter les premières réactions des « insurgés » des ronds points. « Si vous avez un minimum de respect pour votre peuple démissionnez, partez », a immédiatement réagi un protestataire interrogé depuis Saint-Brieuc en Bretagne.
Tristan Lozach a exprimé sa détermination à poursuivre la mobilisation même si cela devait encore prendre des semaines et des mois. Nathalie qui se revendique de la classe moyenne pressent une paupérisation de ses semblables appelés à devenir les nouveaux smicards. Elle va poursuivre aussi sa mobilisation en restant sur un rond point. Sandrine a dénoncé un président « méprisant » et « condescendant » qui, selon elle, a essayé de s’excuser sans y parvenir. Avec son groupe c’est « Macron démission » comme cela est répété depuis le 17 novembre.
Emmanuel Macron a pris exactement treize minutes pour rompre un silence qui a duré de très long jours. Il a pris un air contrit, empathique et ruisselant de sentiments. Dans un premier temps, il a parlé de la violence qui a émaillé les dernières manifestations. Sur le sujet, il a affiché de la fermeté, rendant son hommage aux forces de l’ordre.
« Il a grondé son peuple », s’est indigné Jean-Luc Mélenchon dénonçant que le chef de l’État n’ait pas « un mot pour les victimes ». Pour le leader de la France Insoumise, Emmanuel Macron « se trompe d’époque » en effectuant une « distribution de monnaie » au profit de quelques uns.
Deux revendications majeures des « gilets jaunes » ont été évacuées, dont l’une de manière très claire. Macron a exclu de rétablir l’impôt sur la fortune qu’il considère comme un frein à l’investissement. Pour lui, cela conduit les grandes fortunes à aller s’établir hors de l’Hexagone privant le pays de leurs financiers.
Pour Macron, les riches doivent être ménagés pour pouvoir investir et créer de l’activité. C’est sa fameuse théorie du ruissellement qui ne convainc bien sûr pas.
M. Macron a annoncé juste une réunion avec les chefs d’entreprises pour explorer avec eux des voies de contribution à la solution de la crise. Mais il n’a pas fait état du projet de taxer les grands groupes, comme l’a remarqué l’ancien candidat socialise Benoit Hamon.
« Pourquoi on en arrive à ce que les plus riches soient encore épargnés et qu’on fasse payer le retraité qui gagne 2000 et un euro », s’est-il demandé. « Encore une fois, ce sont les patrons du CAC 40 qui s’en sortent », commentent aussi les proches de Marine Le Pen.
Deuxième revendication déçue : le référendum d’initiative populaire à l’image de ce qui se passe en Suisse. Les « gilets jaunes » demandaient qu’un projet recueillant 700.000 voix puisse être transformé en loi. Le sujet a été complètement éludé, suscitant la déception même des protestataires dits « modérés ».
Un sujet sur lequel on ne l’attendait pas : l’immigration. « Je veux que nous mettions d’accord la Nation avec elle-même sur ce qu’est son identité profonde, que nous abordions la question de l’immigration ». Comment? « Il faut l’affronter », a-t-il affirmé. Le terme n’est pas fortuit. C’est donc un affrontement qui est projeté. Macron a déjà lancé les assises de la laïcité. Elles semblent inquiéter d’ores et déjà les représentants de l’islam.