En France, il y a les religions. Il y a aussi la laïcité. Elle exige de l’État de se tenir éloigné du culte, d’être “neutre”, laissant les citoyens libres de croire ou de ne pas croire, de changer de religion si ça leur dit. Ils restent égaux devant la loi quelles que que soient leurs croyances et leurs convictions.
La laïcité est codifiée par une loi du 9 décembre 1905 dite de “séparation de l’Eglise et de l’État”. Depuis une trentaine d’années et l’expansion de l’islam, devenu la deuxième religion de France, la loi est questionnée pour répondre à des questions pratiques : le port du voile dans l’espace public, le halal dans les cantines, la prière sur les lieux de travail et dans la rue, le financement du culte.
Emmanuel Macron ne semble pas trouver dans le texte les réponses à toutes ses préoccupations qui concernent en premier lieu la religion musulmane dont la pratique connaît une forte expansion en France depuis plusieurs années.
C’est pourquoi il a reçu hier les dirigeants du culte, en présence de son ministre de l’Intérieur. Il y avait la Conférence des évêques, la Fédération protestante de France, l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, le grand rabbin de France, le président du Consistoire, le Conseil français du culte musulman (CFCM) et l’Union bouddhiste de France.
Dans un texte intitulé “Renforcer la laïcité, garantir le libre-exercice du culte. Pistes législatives”, donné aux participants et que des médias se sont procuré, l’Elysée assure en préambule qu’il ne “touchera” pas aux articles 1 et 2 de la loi — le libre exercice du culte et la séparation des Eglises et de l’État — mais qu’il entend plutôt les “conforter”.”Conforter ces principes, c’est adapter leur mise en oeuvre aux défis contemporains”, dit-il.
Les pistes législatives s’articulent autour de trois axes. Le premier entend “renforcer la transparence du financement des cultes”. Il s’agira pour cela d'”étendre” les obligations de transparence comptable des associations cultuelles sous le régime de la loi de 1905 aux associations constituées sous le régime de la loi 1901, régime adopté par la plupart des mosquées.
Le deuxième axe vise à “garantir le respect de l’ordre public”, d’abord en rénovant les dispositions pénales de la loi de 1905.
Les sanctions pour “les propos haineux” tenus dans un lieu de culte seront renforcées, avec un an d’emprisonnement et 60.000 euros d’amende; la dissolution des associations au sein desquelles se déroulent des troubles graves à l’ordre public sera en outre facilitée; et au delà de 10.000 euros les financements étrangers seront soumis “à une procédure de déclaration” préalable.
Dernier chapitre : “Consolider la gouvernance des associations cultuelles et mieux responsabiliser leurs dirigeants”.
Les associations de la loi 1905 vont être dotées d’un régime juridique renforcé, avec des règles nouvelles mais aussi des avantages supplémentaires, dont des avantages fiscaux. Elles pourront aussi bénéficier de subventions publiques pour la “rénovation énergétique” des édifices religieux et pourraient se financer grâce aux revenus locatifs des immeubles qu’elles possèdent.
En contrepartie, les actes de gestion “seraient soumis annuellement au contrôle de l’assemblée générale”, selon le texte. De même, “les déclarations de modification des statuts, la cession de biens immobiliers ou encore le recrutement d’un ministre du Culte seraient soumis à délibération”. Il s’agit d'”éviter les prises de pouvoir hostiles dans un lieu de culte”, selon l’Elysée.
“M. Macron a insisté sur le fait que la modification de la loi de 1905 n’était pas une fin en soi, mais plutôt un moyen pour mettre à jour un certain nombre de dispositions devenues désuètes”, a affirmé Anouar Kbibech, vice-président du CFCM, qui s’est dit “totalement rassuré par le fait qu’il n’y aura pas de loi d’exception qui vise l’islam”.
Aucun calendrier n’a été fixé par l’Exécutif pour la fin de cette concertation qui doit aboutir sur plusieurs mesures législatives.