Départ de son bras droit, défection d’un député, inculpation pour abus de confiance : Marine Le Pen, leader de l’extrême droite française, ne semble pas se relever de sa défaite à la présidentielle, jusqu’à susciter des débats sur son maintien.
Comme son père en 2002, la présidente du Front national avait suscité une onde de choc, en France et au-delà, en se qualifiant pour le second tour lors de la présidentielle du printemps dernier, où elle avait quasiment doublé le nombre de voix obtenues par Jean-Marie Le Pen quinze ans plus tôt.
Elle avait cependant totalement raté son face-à-face télévisé avec Emmanuel Macron avant le deuxième tour et les législatives qui avaient suivi ont été nettement en deçà des espérances du parti.
Depuis, la fille de Jean-Marie Le Pen, élue députée, se fait rare dans les médias et à l’Assemblée, suscitant beaucoup d’interrogations, y compris en interne, sur son avenir et celui de sa formation.
« On ne (la) voit pas beaucoup », confiait il y a peu un député de droite. Peu présente à la commission des Affaires étrangères, elle s’est même trompée lundi d’amendement, avouant s’être « perdue dans ses documents ».
« Ce n’est pas la première fois qu’on n’entend plus le Front national », déjà très absent après le schisme de 1998 qui avait vu une partie des cadres fonder un autre mouvement, rappelle le sociologue Sylvain Crépon. Reste à savoir si la discrétion de Mme Le Pen « est une stratégie, un coup de déprime ou si elle va rebondir ».
Mme Le Pen « a pu être déçue » après la présidentielle mais « je ne la sens pas du tout déprimée », assure Sébastien Chenu, porte-parole du FN. « Il faut que les choses se reconstruisent petit à petit après une défaite », fait-il valoir.
– Qui pour lui succéder? –
La nouveauté cependant, c’est que « la question du leadership est aujourd’hui posée dans son entourage », selon Sylvain Crépon, spécialiste du FN: « Marine Le Pen était l’atout majeur du FN et certains commencent à se demander en interne si ce n’est pas le principal problème ».
« On a un leader dont l’image est écornée », admet un cadre frontiste. « Est-ce que Marine Le Pen est en capacité de redorer son blason et d’apparaître à nouveau comme une locomotive dans la perspective d’échéances nationales, ou est-ce que ce sera plus durable, ce qui poserait la question à terme du leadership? », se demande-t-il.
Fragilisée par les divisions au sein de son parti, Marine Le Pen semble encaisser les coups sans réellement rétorquer : mise en examen pour abus de confiance suite à des soupçons d’emplois fictifs au Parlement européen, départ de son âme damnée Florian Philippot, ancien vice-président contesté en interne, démission d’un député, critiques d’élus proches et, tout récemment, inculpation de son parti dans le cadre de l’enquête sur les emplois fictifs d’assistants d’eurodéputés.
Pour autant, Sylvain Crépon ne voit pas « qui peut succéder à Mme Le Pen, car personne n’a le charisme ou la légitimité pour lui contester son leadership ». En outre, difficile d’imaginer un autre nom que celui des Le Pen, tellement « consubstantiel au parti ».
Quant au parti lui-même, qui a « une histoire d’hétérogénéité idéologique très forte », va-t-il « faire pencher la balance à droite? » se demande Joël Gombin, spécialiste du vote frontiste.
Si le parti se droitise en se recentrant sur ses fondamentaux comme la sécurité et l’immigration, « est-ce que ça va aboutir à des alliances ou des luttes à mort ? C’est la question », note M. Crépon.
Marine Le Pen a tendu la main en vain au désormais nouveau patron de Les Républicains (droite) Laurent Wauquiez, perçu comme le tenant d’une droite dure, mais il a refusé toute alliance avec le FN.
« Il faut se méfier des gens qui enterrent rapidement », estime cependant M. Chenu. « Marine Le Pen en a sous le pied ».
L’intéressée elle-même a assuré mercredi soir u’elle n’avait « pas du tout » l’intention d’arrêter la politique. « Je n’arrête pas pour une raison simple : c’est que moi, je ne me bats pas pour moi, je ne me bats pas pour ma petite carrière personnelle. Je me bats pour la France et pour les Français. (…) Tant que mon pays aura besoin de moi, je serai là », a-t-elle déclaré sur la télévision TF1.
Le socle électoral du FN est aussi toujours là, il faut juste « qu’il puisse être mobilisé », souligne M. Gombin.
Dans une enquête Ifop/JDD réalisée en octobre, 21,5% des Français votaient encore pour Mme Le Pen, comme au premier tour de la présidentielle de mai.