Les travailleurs immigrés en situation irrégulière en France font les frais à la fois du durcissement de la législation et de l’instabilité politique dans ce pays.
Les régularisations sont de facto gelées en attendant la nomination d’un nouveau ministre de l’Intérieur et il n’est pas rare que les demandeurs d’un titre de séjour reçoivent à la place une OQTF (obligation de quitter le territoire français).
Comme l’explique le journal Le Monde, une circulaire signée en 2012 par Manuel Valls, alors Premier ministre, permettant la régularisation de 30.000 personnes par an, était encore en vigueur lorsque Bruno Retailleau est nommé ministre de l’Intérieur en septembre dernier. Le nouveau ministre a entrepris de réformer la circulaire, mais il s’agit d’un blocage de fait, constatent sur le terrain associations et syndicats.
C’est l’incertitude totale pour les travailleurs immigrés en situation irrégulière à cause d’une somme de facteurs, dont l’instabilité politique en cours, la nouvelle loi immigration et le durcissement apporté par Bruno Retailleau, liste le Monde.
Une situation qui inquiète en France. Des manifestations destinées à « dénoncer la politique migratoire à l’œuvre, notamment envers les sans-papiers » sont prévues ce samedi 14 et mercredi 18 décembre, à l’appel de nombreuses organisations dont le Syndicat de la magistrature, la CGT (Confédération générale du travail), la Ligue des droits de l’homme et la Cimade.
Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur entre 2020 et 2024, avait entrepris la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers dits « en tension ». Il était notamment prévu d’actualiser par décret la liste de ces métiers. Mais tout est remis en cause depuis l’été dernier avec l’arrivée de Bruno Retailleau.
À peine arrivé au ministère de l’Intérieur, Retailleau a fait part de son intention de diminuer le nombre de régularisations et de remplacer la circulaire de 2012.
Le Monde rappelle que ce texte permettait 30.000 régularisations par an, sur la base de certains critères comme le nombre de fiches de paie et d’années de présence en France ou encore la scolarisation des enfants.
France : les régularisations gelées, les OQTF en hausse
La chute du gouvernement Barnier le 4 décembre dernier, après avoir été censuré par le Parlement, est intervenue alors que la réforme de la circulaire n’était pas encore effectuée.
Selon le journal français, les préfets n’ont pas attendu de nouveau texte et se sont empressés de mettre en œuvre le durcissement envisagé par Bruno Retailleau. Alors que le dépôt des demandes de régularisation était déjà compliqué depuis quelques années, les choses ont empiré.
Le Monde cite le cas de la préfecture de police de Paris, qui est celle qui régularise le plus en France. Dans cette préfecture, les réunions qui permettaient aux syndicats de déposer des dossiers de régularisation sont suspendues depuis la rentrée.
La CGT faisait examiner une trentaine de dossiers par mois, mais n’a plus d’audience depuis novembre, fait savoir une syndicaliste.
Le ministère de l’Intérieur explique que la nouvelle circulaire est « en préparation » et que sa mise en œuvre dépendra du prochain ministre de l’Intérieur qui sera nommé par le nouveau premier François Bayrou. Ce dernier a été désigné vendredi à la tête de Matignon.
En attendant, les syndicats font état d’une « consigne nationale » pour bloquer les régularisations des travailleurs en situation irrégulière.
« Demander une régularisation va devenir impossible. Non seulement cela va créer un ressentiment élevé, mais ça ferme la porte à la mise en lumière de situations illégales, jusqu’à des cas de traite des êtres humains, sur lesquels on ne pourra plus alerter », se désole une militante de la CGT- Paris.
Les OQTF sont en revanche distribuées généreusement. « Avec la nouvelle loi immigration, les préfectures peuvent rejeter des demandes de titre de séjour pour la simple raison que la personne a déjà eu une OQTF, même ancienne, ou parce qu’elle a usé de faux documents. Ça existait avant, mais c’était à la marge », explique un autre membre de la CGT cité par Le Monde.
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