La France est-elle de plus en plus hostile à des relations avec les Algériens ? Depuis l’Hexagone en tout cas, on observe un sentiment négatif à l’égard des Algériens.
La France compte sur son territoire environ deux millions d’Algériens (si l’on compte les immigrés et la deuxième génération). Pourtant le pays semble de plus en plus gêné par les « privilèges » dont bénéficie la population algérienne.
Les discours politiques de cet ordre se multiplient de plus en plus depuis le début de l’année et laissent croire que les Algériens sont devenus persona non grata.
Les Algériens ne peuvent plus voir la France comme un pays d’immigration
On pensait que la France et l’Algérie avaient opté pour une paix diplomatique et un renforcement des liens. La visite d’Emmanuel Macron à Alger durant l’été 2022 avait mis fin à la crise de l’automne 2021 et marqué un renforcement de l’amitié avec la mise en place de multiples partenariats dans l’éducation, l’économie et surtout sur la question de la mémoire franco-algérienne.
L’invitation du président Abdelmadjid Tebboune à Paris en juin semblait clôturer cette querelle politique entre les deux pays. D’un point de vue purement diplomatique, on pourrait croire à un calme plat.
Pourtant en France, l’Algérie n’a pas bonne presse. Que ce soit pour les membres de la diaspora basée sur le territoire français comme pour les postulants à un séjour plus ou moins long en France. Les Algériens ne sont clairement pas attendus en France.
Certes le gouvernement français a rétabli officiellement les quotas de visas pour les Algériens à leur niveau habituel après les avoir réduits de 50 % en 2021. Mais leur obtention reste un défi majeur. En Algérie, l’obtention d’un simple rendez-vous de visa est difficile sans certitude d’obtenir le précieux sésame.
Une note de l’ex-ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, pour le Think Tank Fondapol semble confirmer cette théorie. Dans cette analyse, le diplomate estime que les Algériens ont assez profité de facilités migratoires en France.
Xavier Driencourt appelle à revisiter promptement les avantages accordés aux immigrés algériens en France, héritage du traité franco-algérien de 1968.
"Il apparaît donc qu’aucune politique migratoire cohérente ne soit possible sans la dénonciation de l’accord franco-algérien« , selon L’ex-ambassadeur qui évoque même une France »défavorisée" par le maintien de l’accord.
Il s’étonne notamment de l’obtention d’un certificat de résidence administrative pour tout visa de plus de trois mois ou encore de la facilitation du regroupement familial. Des points pourtant fondamentaux de la politique migratoire entre la France et l’Algérie.
L’ex-ambassadeur qui a passé 7 ans en Algérie estime qu’une relation équilibrée entre les deux pays dépend de la fin de ces accords. Un traité qui d’après lui n’est plus adapté à la réalité politique. Pour le diplomate, la France doit prendre le risque d’une grave crise diplomatique avec l’Algérie pour stopper ces conditions de flux migratoire.
Un discours qui fait écho à des positions prônées par les partis de droite et d’extrême-droite en France qui appellent à chaque scrutin à mettre un terme à ce fameux accord.
Ici par exemple, on voit Marion Maréchal Le Pen féliciter la démarche de l’ex-ambassadeur à Alger.
Comme nous l’avons soutenu durant la campagne présidentielle, l’abolition des accords de 1968, qui offrent des privilèges indus aux ressortissants algériens en France, est une nécessité urgente.
Je salue la clairvoyance de @XMDriencourt !https://t.co/iHcC23yd95— Marion Maréchal (@MarionMarechal) May 26, 2023
Les frontières politiques semblent devenir troubles lorsqu’il est question des Algériens. Xavier Driencourt n’a d’ailleurs pas hésité à réitérer ses propos dans le média Boulevard Voltaire, qui se présente comme réactionnaire à la limite de l’extrême-droite.
Les Algériens, désignés comme des fraudeurs sociaux en puissance
Priver les Algériens des « privilèges » de la France semble être devenu une rengaine politique. Gabriel Attal, le ministre de l’Action et des Comptes publics, a annoncé mardi qu’un contrôle des retraités installés à l’étranger, dont la majorité est d’origine algérienne, serait déployé. Cette mesure entre dans le plan du gouvernement de vérification du bien-fondé du versement de retraites françaises à l’étranger. Ce plan vise les retraités de plus de 85 ans. Le but essentiel est de vérifier qu’ils sont toujours vivants.
D’après les chiffres de la Caisse d’assurance vieillesse (CNAV), plus de 360.000 retraités français sont installés en Algérie. La France verse environ 1 million de pensions à l’étranger. Les Algériens représentent donc une part importante de ce plan d’action. En cas de découverte de "fraude", les pensions ne seront plus versées aux retraités.
Cette mesure a déjà été expérimentée de manière inédite en Algérie. Depuis septembre ce sont 300 dossiers de retraités algériens sur 1 000 étudiés qui ont été déclarés comme non-conformes aux obligations françaises, d’après Gabriel Attal. L’expérimentation va donc se transformer en système régulier pour débusquer chaque pensionnaire algérien.
En Algérie, les retraités contrôlés peuvent parfois présenter un certificat d’existence ou se rendre dans une banque ou au Consulat pour prouver qu’ils sont toujours en vie.
Des personnes âgées de plus de 85 ans, si elles sont isolées, n’ont pas toujours les moyens de se soumettre à leur contrôle. Ce plan vise clairement à réduire la part d’anciens travailleurs immigrés, même si le problème de la fraude se pose réellement, mais cibler les retraités algériens dans ce contexte de montée en puissance du discours anti-algérien en France ne semble pas judicieux.
Même s’ils ont consacré leur vie à cotiser en France, un simple oubli ou une non-présentation à un rendez-vous de contrôle pourrait les priver de leurs droits sociaux.
La multiplication de mesures politiques, de discours et de gestes politiques anti-algériens inquiète. On se souvient qu’en 2022, c’est le député d’extrême-droite José Gonzales, qui avait été nommé vice-président du groupe parlementaire d’amitié France-Algérie.
C’est le même député qui en tant que doyen de l’Assemblée nationale avait fait un discours inaugural dédié à la nostalgie de l’Algérie française et à l’OAS. Ce genre de situation ubuesque devient une normalité en France alors qu’elle a récemment mis en place avec l’Algérie un comité mixte d’historiens des deux pays pour étudier ensemble leur passé de manière apaisée.
La somme de ces gestes ou discours symboliques laisse à penser que les Algériens risquent encore d’être pris en étau entre les crises diplomatiques et les jeux politiques français. Pour les Algériens qui se tournent naturellement vers la France pour étudier ou travailler, ils devraient sans doute se préparer à des difficultés migratoires croissantes.