Alors qu’il fut longtemps diabolisé, le beurre est de nouveau plébiscité par les consommateurs à travers le monde. En France par exemple, ces dernières semaines, il devient de plus en plus compliqué de trouver sa motte de beurre doux ou demi-sel dans les étals des supermarchés, rapportent les médias locaux.
Le beurre « réhabilité »
Depuis 2014, plusieurs études scientifiques sont venues remettre en cause l’idée selon laquelle le beurre serait néfaste pour la santé. L’une d’entre elles, intitulée « Le beurre est-il de retour ? », publiée dans la revue scientifique Plos One en juin 2016, explique qu’il n’existe aucun lien entre consommation de beurre et maladies cardiovasculaires ou diabète de type 2.
Cette réhabilitation scientifique a provoqué une forte hausse de la consommation, comme aux États-Unis où elle a augmenté de 8% depuis le début de l’année en cours. À ce retour en grâce du beurre, il faut mettre en parallèle le déclin de l’huile de palme et de la margarine chez les consommateurs, toutes deux accusées d’être néfastes pour la santé.
La Chine, l’un des plus gros importateurs de produits laitiers au monde, a également augmenté ses importations de beurre. Les consommateurs chinois raffolent désormais de pâtisseries et de viennoiseries au beurre, popularisées par des émissions télévisées consacrées à la cuisine ou à la pâtisserie. Selon les données du cabinet français Agritel, spécialiste des marchés des matières premières agricoles, obtenues par TSA, l’importation de beurre en Chine a augmenté de 19% entre janvier et août 2017. En 2016, elle avait également progressé de 15% sur l’année par rapport à 2015.
Cette perception du beurre nettement plus positive ne passe pas non plus inaperçue chez les industriels. À l’automne 2015, la chaîne de restauration rapide McDonald’s change ses méthodes de cuisine : elle abandonne la margarine au profit du beurre. « Ce changement de stratégie du géant de la restauration rapide a généré un surcroît de demande de 20.000 tonnes de beurre en plus chaque année. Et les autres industriels et restaurateurs américains n’ont pas manqué de suivre », expliquait au journal Les Échos, Gérard Calbrix, directeur des affaires économiques de l’Association de la transformation laitière française (Atla), en mars 2017.
Baisse de la collecte de lait
Mais pendant ce temps, alors que la demande de beurre est croissante, la production mondiale de lait s’essouffle, et ce pour plusieurs raisons. En Nouvelle-Zélande, premier pays exportateur de lait, ce sont les mauvaises conditions climatiques en 2016 qui ont porté un coup à la production laitière.
En Europe, la fin des quotas laitiers en avril 2015 a engendré une surproduction, puis une chute des cours, contraignant les éleveurs à réduire leurs cheptels. Le facteur climatique, en l’occurrence la sécheresse, a quand à elle provoqué des problèmes d’alimentation du bétail, ce qui a affecté la teneur en matières grasses du lait, nécessaires à la production de beurre. « En Europe, la production de beurre est de 1.4 Mt sur la période de janvier à août 2017, en baisse de -4% par rapport à 2016 », selon les données de Agritel.
Bref, cette situation a engendré un déséquilibre entre l’offre et la demande, et les cours mondiaux du beurre ont fortement augmenté depuis dix-huit mois. La tonne de beurre est passée de 2.500 € au printemps 2016 à 6.800 € en septembre 2017, selon les chiffres de FranceAgriMer.
Bras de fer entre industriels et distributeurs
Dans un premier temps, en France, cette flambée des cours du beurre a eu des répercussions sur les tarifs des viennoiseries ou des pâtisseries. Puis, comme le rapportent de nombreux médias français, il est désormais devenu difficile de s’approvisionner en beurre dans les rayons de plusieurs enseignes de grande distribution. Certains consommateurs – un brin opportunistes – ont d’ailleurs sauté sur l’occasion pour proposer des plaquettes de beurre à vendre sur le site de petites annonces Le Bon Coin. On peut ainsi trouver une plaquette de beurre pour la bagatelle de 30 € !
Il faut toutefois comprendre que si le contexte actuel – rareté du beurre pour une forte demande – a un impact sur les prix, il n’explique pas la situation de pénurie dans les rayons des magasins français. Cette situation est en réalité la conséquence d’un bras de fer entre distributeurs et industriels. Ces derniers rationnent les grandes surfaces qui refusent de répercuter les hausses de prix du marché européen.
Frénésie acheteuse
La situation actuelle est finalement une démonstration d’un dysfonctionnement dans la grande distribution : « La raréfaction du beurre dans les linéaires des GMS (grandes et moyennes surfaces, NDLR) est aussi la conséquence de modes de contractualisation qui ne sont plus adaptés à la volatilité touchant les matières premières, incitant les industriels à aller chercher une meilleure valorisation à l’export plutôt que via des engagements à prix fixes avec la grande distribution française qui ne permettent pas d’ajustement de prix en fonction des cours mondiaux », écrit le cabinet Agritel dans un communiqué en date du 26 octobre.
En outre, le consommateur a également une responsabilité. La médiatisation de la pénurie de beurre a déclenché depuis quelques jours une frénésie acheteuse. Ce qui provoque un excès de la demande, et donc une rupture de stocks dans certains rayons.