En France, le racisme s’est banalisé depuis quelques années déjà. Des hommes politiques et des médias ciblent régulièrement les étrangers, particulièrement les musulmans, sans susciter de véritables condamnations dans l’opinion ni de la part de la justice – au mieux les auteurs sont condamnés à des peines très légères. Avec la montée de l’extrême-droite dans les sondages et dans les urnes, le phénomène a explosé.
La parole raciste semble se libérer davantage depuis la victoire du Rassemblement national (RN, ex-Front national) aux élections européennes du 9 juin. Ce parti d’extrême-droite pourrait aussi remporter les législatives prévues à la fin de ce mois et diriger le gouvernement français.
Racisme : la France en roue libre
Dans les médias et sur les réseaux sociaux, des témoignages poignants sur le racisme qui gagne une partie de la société française sont diffusés ces derniers jours. Les immigrés ne sont pas les seules cibles des racistes. Les « Français d’origine étrangère » sont également victimes de cette haine.
Cela donne un avant-goût de ce qui attend tous ceux qui ne sont pas "Français de souche" en cas d’accession au pouvoir de l’extrême-droite. Les racistes de tous bords se sentent pousser des ailes.
Une citoyenne française, née en France ainsi que ses parents, précise-t-elle, a raconté sur TikTok comment un client s’est très mal comporté avec elle dans le magasin de vêtements où elle travaille.
En cause, la couleur de sa peau qui, aux yeux du client, n’est pas "française« . La jeune femme est d’origine mauricienne. »Oh là, c’est pas une couleur de peau française, ça !", s’est-il exclamé en entrant.
La femme raconte que par la suite, l’indélicat client s’est mis à prendre des vêtements qu’il lui jette sur l’épaule. "Comme si j’étais sa servante", dit-elle. Signe de la banalisation de ce genre de comportement, les collègues de la vendeuse étaient présents et n’ont rien dit.
@lmoothien21 Storytime : racisme banalisé #racism #racist #politique #politiquefrancaise #gaucho ♬ son original – TéLEAchat
Une scène plus choquante a été filmée et diffusée sur France 2, une chaîne de télévision publique : une femme de couleur dont les voisins, qui assument ouvertement leur racisme, ne veulent pas dans leur quartier.
La femme s’appelle Divine Kinkela et est aide-soignante. Elle essuie les insultes de son voisin depuis, précise-t-elle, la campagne des élections européennes. "C’est comme si les élections ont libéré la parole (raciste)", dit-elle.
La réaction de @MLP_officiel sur les propos racistes rapportés par #EnvoyéSpécial est annonciatrice de ce que serait la France dirigée par le @RNational_off.
Ils avancent masqués, mais restent le FN et continuent d’opposer les Français les uns aux autres ! #120Minutes @BFMTV pic.twitter.com/3ZLqKkvqjz
— Xavier Bertrand (@xavierbertrand) June 23, 2024
Le voisin en question est un militant du Rassemblement national. Si le drapeau français accroché par le militant ne dérange pas la voisine, elle estime en revanche que le slogan "avec Marine et Bardella« qu’il arbore en face de chez elle, la vise. »C’est des opinions politiques mais qui nous visent. Elles ne visent que nous« , dit-elle. En effet, les affiches sont orientées uniquement vers la terrasse de l’aide-soignante, avec en sus des »agressions verbales et des cris de singe".
France : "C’est comme si les élections ont libéré la parole raciste"
La femme ne se laisse pas intimider. Par "défi« , elle continue de prendre son café sur sa terrasse, même s’il »n’a plus la même saveur", reconnaît-elle.
Autre signe que le racisme se banalise et s’assume, le voisin a accepté de parler face caméra et ne nie rien. Cet ancien plombier à la retraite s’est installé dans le quartier après une vie en HLM dans la banlieue parisienne. Visiblement influencé par le discours de l’extrême-droite, il commence par définir ce qu’est, selon lui, "être Français« . »C’est prendre les coutumes de la France, respecter les coutumes et pas nous mettre des coutumes à la con", dit-il.
Mais qui ne respecte pas la France ? La réponse du retraité trahit le rôle néfaste joué par une partie des médias français : "Bah, devinez, je vois à la télé comment ça se passe, je ne suis quand même pas con. C’est les Moustapha, c’est les tout ce que vous voulez".
Les voisins ont été confrontés devant la caméra, et lorsque la femme du retraité arrive, c’est un chapelet d’insultes racistes qu’on entend, malgré la présence de la caméra qui filmait. "Tu dégages, j’ai quitté les HLM à cause de gens comme toi… on est chez nous…on est en France, on fait ce qu’on veut« , lance-t-elle à l’adresse de sa voisine de couleur. »Tu ne m’intéresse pas, alors va à la niche« , ajoute-t-elle, avant de pointer »ces trucs dégueulasses que tu as dans les cheveux".
La justice a ouvert une enquête après la diffusion de la séquence, mais les condamnations politiques n’ont pas été nombreuses.
— Fabrice Arfi (@fabricearfi) June 20, 2024
« Etrangers dehors » : soirée thématique dans un bar de Rouen
À Rouen, le maire a dû saisir le parquet et la préfecture après l’annonce de l’organisation, le 28 juin, soit deux jours avant le premier tour des législatives, d’une soirée dans un bar intitulée "étrangers dehors« . C’est en fait la traduction de l’intitulé original de la soirée qui est en allemand : »Auslander Raus". Suffisant pour deviner l’idéologie de ses organisateurs.
« Auslander Raus » est en effet un célèbre slogan nazi et le bar en question est connu pour "accueillir régulièrement des militants de l’ultra-droite de Rouen".
"Une soirée ‘Les étrangers dehors’ n’a rien à faire à Rouen, ni nulle part en Europe« , a écrit le maire Nicolas Mayer-Rossignol dans un communiqué, estimant que l’organisation de cette soirée peut »relever d’une qualification pénale". Là encore, le gouvernement s’est montré discret.
Une soirée « Les étrangers dehors » ('Ausländer Raus') n'a rien à faire à @Rouen, ni nulle part en Europe. J'ai saisi le Procureur, le Préfet et prendrai mes responsabilités. Le racisme, la xénophobie sont la marque de l'extrême-droite. Ils n'ont pas de place dans la République. pic.twitter.com/LPzpL0Ea1u
— Nicolas Mayer-Rossignol (@NicolasMayerNMR) June 21, 2024