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France – Turquie : la une du magazine Le Point accentue les tensions entre Paris et Ankara

La « Une » du magazine Le Point du 24 mai qualifiant le président turc Erdogan de “dictateur” a provoqué l’ire de ses partisans en France. L’affaire prend désormais des allures de crise diplomatique.

La scène a été filmée vendredi dans le sud de la France, près d’Avignon. Dans des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, on y voit des partisans du président turc, candidat à sa propre succession, retirer les affiches de l’hebdomadaire français d’un kiosque à journaux.

« Le matin, je me suis fait interpeller par un passant qui me demandait si je n’avais pas honte d’afficher ça sur mon kiosque. Puis d’autres, majoritairement turcs, sont venus. Ça râlait au café d’en face. Il a fallu que j’explique que nous, kiosquiers, n’avions ni écrit les articles ni choisi d’afficher la une du Point sur le kiosque », a raconté à l’hebdomadaire français le kiosquier du Pontet, près d’Avignon. À Valence, un marchand de journaux a également expliqué avoir reçu des menaces samedi dernier pour retirer la une du magazine de la façade de son kiosque.

L’un des membres de l’association culturelle franco-turque de Valence a expliqué au micro de Europe 1 comprendre la colère de ces membres de la diaspora turque en France. « Ils ont tout à fait raison. Ils essayent de soutenir leur président. On en veut à la Turquie c’est tout. C’est une grande puissance qui gêne certains pays. On peut s’exprimer mais pas dépasser les limites ».

Dans l’Hexagone, l’affaire a suscité tout au long du week-end de nombreuses réactions politiques. Nombreuses personnalités ont ainsi sauté sur l’occasion pour devenir de fervents défenseurs de la liberté de la presse.

Lundi, le président Emmanuel Macron s’est quant à lui fendu d’un tweet dans lequel il écrit qu’« il est parfaitement inacceptable que des affiches du Point soient retirées des kiosques de presse au motif qu’elles déplaisent aux ennemis de la liberté, en France comme à l’étranger ». Il faut toutefois noter que la présidence française s’était montrée nettement moins prolixe quand son homologue turc s’en était pris à un journaliste en pleine conférence de presse en janvier dernier.

À Ankara, la leçon de Paris passe mal. « La démocratie ne se limite pas à l’acceptation d’insultes et de mensonges, c’est aussi la prise en compte des sensibilités de l’autre. Au-delà c’est de l’hypocrisie », a ainsi répliqué le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu ce mardi.

Les tensions des dernières heures entre Paris et Ankara interviennent dans un climat déjà bien tiède entre les deux pays. Fin mars, la réception d’une délégation des Forces démocratiques syriennes (FDS), composée de combattants kurdes, à l’Élysée avait provoqué l’ire du président Erodgan accusant Paris d’ « encourager les terroristes ».

Début février, en marge du dîner annuel du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), Emmanuel Macron avait mis en garde son homologue Erdogan contre toute tentative « d’invasion » du nord de la Syrie, où l’armée turque avait lancé, le 20 janvier, une offensive contre les troupes kurdes du PYD, la branche syrienne du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), parti considéré comme une organisation terroriste par la Turquie.

Au cours de la même soirée, la présidence française s’était engagée à inscrire au calendrier une journée pour la commémoration du génocide arménien. La décision irrite fortement la Turquie pour qui la question de la reconnaissance du génocide arménien sous l’Empire ottoman en 1915 revient à chambouler la mémoire collective, et donc les fondements de la Turquie moderne créée en 1928 par Mustafa Kemal.

À ce contexte, il faut également rappeler l’échec de la visite officielle du président Erdogan en France en janvier dernier. Il espérait obtenir un soutien de la part de Macron pour une relance du processus d’adhésion de son pays à l’Union européenne officiellement lancé en 2005. Mais c’est une fin de non recevoir qu’il s’est finalement vue adresser mettant néanmoins fin à plusieurs années d’hypocrisie sur le sujet.

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