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France : un grand lycée musulman poussé à la fermeture

Le sort d’Averroès, le premier lycée musulman en France à avoir intégré l’enseignement privé, est presque scellé, après un avis favorable d’une commission académique pour la résiliation du contrat de financement avec l’État.

C’est tout un symbole dans une France où le rapport à l’Islam et aux musulmans est loin d’être apaisé.

Ce lycée est situé à Lille dans le nord de la France et même ses pourfendeurs reconnaissent pourtant la qualité de son enseignement et ses excellents résultats au Bac.

Cela fait plusieurs années que de nombreux responsable politiques cherchent à régler son compte à l’établissement, et la décision a fini par être prise dans une conjoncture tendue, marquée par le déchaînement des passions par rapport à tout ce qui touche à la place de l’islam et des musulmans en France.

La naissance même du lycée n’est pas en lien avec ce genre de polémiques. L’idée de le créer a germé en 1995 après l’exclusion d’un lycée public local d’une vingtaine d’élèves musulmanes pour port du voile. En 2001, une association a été créée pour fonder et gérer le lycée sous forme d’un établissement privé. Il a connu sa première rentrée en 2003.

Le succès de l’établissement sera fulgurant à partir de 2008 lorsque l’État a accepté de le financer. En vertu d’un accord signé la même année, les salaires des enseignants sont pris en charge par le ministère de l’Éducation et ceux des personnels parascolaires par la Région des Hauts-de-France. De 15 élèves au départ, le lycée en comptait 150 en 2011. Aujourd’hui, avec le collège ouvert en 2012 -mais qui n’a pas obtenu la subvention de l’État-, l’établissement accueille 800 élèves entre lycéens et collégiens.

Les ennuis ont commencé en 2017 lorsque des responsables politiques ont commencé à réclamer la résiliation du contrat liant le lycée à l’État. Parmi eux, Xavier Bertrand, le président du Conseil régional des Hauts-de-France, ancien ministre et ancien président de l’UMP (Union pour la majorité présidentielle).

Il est reproché au lycée musulman un financement de 95 000 euros d’un État étranger, le Qatar, plus globalement un manque de transparence sur ses donateurs, mais surtout les programmes dispensés, notamment en cours d’éthique Islamique où est utilisé un ouvrage de deux prédicateurs salafistes syriens. Ou encore des liens supposés avec les Frères musulmans, via l’organisation Musulmans de France, ex-UOIF.

France : le sort du lycée musulman de Lille scellé

Ce que contestent les responsables de l’établissement et leurs avocats. Le président de l’association Averroès, Mohamed Damak, cité par le Figaro, a expliqué que les passages incriminés (apostasie, statut de la femme…) du livre ne sont pas enseignés en cours.

Le directeur du lycée, Éric Dufour, ex-enseignant dans le privé catholique, s’est dit pour sa part « garant » que les liens « anciens » avec l’ex-UIOF « n’interviennent jamais dans le fonctionnement de l’établissement ».

Du reste, le lycée est reconnu, de par ses statuts et ses prises de positions, pour son attachement aux valeurs Républicaines.

En 2020, rappelle Le Figaro, l’établissement avait « abondamment communiqué » autour d’un hommage qu’il a rendu à Samuel Paty, un enseignant décapité par un radicalisé pour avoir montré en classe des caricatures du Prophète de l’islam.

Néanmoins, depuis 2019, le versement de la part de la Région des Hauts-de-France prévue dans le contrat ne se fait qu’après décision à chaque fois de la justice administrative. Le préfet du Nord, Georges-François Leclerc, a fini par convoquer une commission consultative pour trancher définitivement.

La commission, constituée d’élus, de cadres de l’éducation et de représentants de l’enseignement privé, s’est réunie lundi 27 novembre et n’a pas eu besoin de beaucoup de palabres pour rendre son verdict : 16 membres ont voté pour la résiliation du contrat et 9 se sont abstenus.

Comme l’explique le journal Le Monde, la décision n’est pas encore officielle puisque l’avis de la commission n’est que consultatif. Néanmoins, le média ajoute qu’il n’y a pas d’illusion à se faire quant à la décision que prendra cette semaine le préfet. Celui-ci a en effet dressé un véritable réquisitoire contre le lycée dans son rapport de saisine de la commission, y dénonçant notamment « une communauté éducative inquiétante ».

« Enfin ! J’ai un sentiment de soulagement (…) J’aurais aimé que cela se fasse plus rapidement », a réagi Xavier Bertrand, cité par Le Figaro.

Dans une lettre aux ministres de l’Intérieur et de l’Éducation, le président de l’association Averroès a estimé que l’éventuelle résiliation du contrat « ce serait profondément injuste pour un lycée d’excellence » qui « promeut un islam contextualisé, tolérant ». Le sort de l’établissement semble toutefois scellé.

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