En France, un jardinier franco-algérien de 29 ans a été traité de « bougnoule » et a frôlé la mort lorsqu’un septuagénaire l’a agressé au cutter, lui causant une grave blessure à la gorge.
Présenté devant la justice, l’agresseur a été laissé en liberté en attendant son procès. La décision des juges suscite une vive incompréhension, d’autant plus que ce qui est considéré par certains comme une indulgence de la part de la justice coïncide avec celle accordée au policier qui a tué le jeune Nahel en juin, libéré mercredi dernier.
L’agression du jeune Mourad a eu lieu dans le Val-de-Marne. Pour avoir mal garé son camion, un septuagénaire l’a pris à partie, en proférant d’abord des insultes racistes du genre, « bougnoules », « rentrez chez vous ». Il l’a même insulté en arabe.
La scène a été filmée et les propos racistes tenus par l’agresseur sont très audibles. L’homme se dirige ensuite vers sa voiture, se saisit d’un cutter puis frappe le jardinier au coup. Celui-ci a eu le réflexe de reculer, mais il a été touché.
Sans son réflexe, il serait tué sur place. La tentative d’homicide volontaire est évidente, mais les juges du tribunal de Créteil ne l’ont pas retenue.
L’agresseur a été inculpé lundi 20 novembre de « violences volontaires avec armes » et « injures à caractère racial ». Il a été laissé en liberté en attendant son procès programmé dans six mois, en mai prochain.
Cette affaire a choqué, notamment parmi les militants contre le racisme et les partis de gauche, et jusqu’au sein du gouvernement.
« Le racisme en roue libre », a déclaré Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste sur le réseau social X. Il a rappelé que « tous les Français quels que soient leurs origines sont chez eux ».
Olivier Faure pointe comme « directement responsable de ces crimes » l’extrême-droite qui « décomplexe jour après jour le racisme notamment anti musulmans ».
France : un jardinier franco-algérien a frôlé la mort
Le contexte en France est en effet celui d’une montée inquiétante du racisme antimusulman avec la banalisation de ce genre de discours dans les médias sur fond de division par rapport à la guerre en Palestine.
Louis Boyard, député de La France Insoumise (LFI), a dénoncé le silence et l’absence des médias et du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
« Si Mourad avait été l’agresseur, vous seriez déjà tous sur place. Pourquoi ? », a-t-il écrit.
Gérald Darmanin a fini par réagir, apportant son soutien à la victime. « Le racisme et la violence n’ont pas leur place dans notre société », a dit le ministre de l’Intérieur français sur X, qui, au passage, a taclé la justice pour sa décision en remerciant les « policiers qui sont intervenus rapidement pour présenter le suspect à la justice ».
L’action de l’extrême-droite que dénonce Olivier Faure est aussi à l’œuvre dans cette affaire.
Ignorant complètement l’agression du jardinier d’origine algérienne, les porte-voix du courant raciste se sont empressés de partager largement le cas du jeune Thomas, un jeune français de 16 ans, tué samedi passé dans une rixe au cours d’une fête au village de Crépol, dans la Drôme. Une bande d’une dizaine de jeunes avait attaqué la salle où se tenait la fête, faisant un mort et huit blessés.
« Ne laissons pas passer une telle barbarie. Trop c’est trop, Thomas 16 ans assassiné par des racailles », a réagi Eric Ciotti, président du parti Les Républicains, dont les sorties sur ces questions ne diffèrent plus vraiment de celles de l’extrême-droite.
Eric Zemmour a encore fait plus fort en opposant les victimes de la violence, « Lola, Thomas, Laura, Maurane, Julien, Dominique, le père Hamel » d’un côté, et « Nahel et Traoré » de l’autre. Pour ensuite livrer ce message guerrier : « Leurs martyres sont des délinquants multirécidivistes. Nos martyres sont des victimes innocentes de la guerre de civilisation. »
De tels commentaires qui se répètent et se banalisent poussent chaque jour davantage la France vers l’inconnu.
Deux jours avant l’agression du jardinier franco-algérien, la justice a décidé de remettre en liberté le policier Florian M., auteur du tir mortel qui a tué le jeune Nahel au cours d’un contrôle routier en juin dernier à Nanterre.
Ce crime avait causé de graves émeutes dans toute la France, mais aussi un élan de solidarité de l’extrême-droite avec le meurtrier. Le polémiste Jean Messiha avait même lancé une cagnotte en faveur de la famille du policier, qualifiée par beaucoup en France de « cagnotte de la honte ».
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