Alors qu’il a vécu presque toute sa vie en France, un sans-papiers a été expulsé vers son pays d’origine malgré la mobilisation des passagers de son avion.
Arrivé en France à l’âge de 5 ans, Moussa Sacko, 26 ans, reçoit une première OQTF en 2022, qui a fini par être suspendue par le Tribunal administratif. Ce n’est pas pour autant qu’il va arriver à décrocher un titre de séjour que le Tribunal administratif lui a accordé, car la préfecture ne le lui a jamais délivré, explique le média français RFI.
Le 24 mai dernier, il est arrêté par la Police lors de l’évacuation du lieu associatif « en gare ». Moussa, toujours sans titre de séjour, écope d’une nouvelle OQTF. Il est placé dans un Centre de rétention administratif (CRA). Son expulsion vers le Mali était prévue pour le 28 juin.
Une expulsion en toute discrétion
Mais une fois dans l’avion sous escorte policière, les passagers se mobilisent et bloquent l’avion pendant deux heures. La police est alors obligée de reconduire Moussa vers le Centre de rétention. Bien que son expulsion soit toujours au programme, l’administration reste cette fois-ci discrète en ce qui concerne la date.
La détermination des passagers a permis que Moussa soit débarqué de l'avion !! Mais la lutte continue. Il retourne en CRA et pourra être expulsé dès demain.
Il faut faire pression pour exiger la libération de moussa . La lutte paye ! @PatriceBessac vous devez réagir pic.twitter.com/GepfixXRwS
— Assemblée des mal logé.es Montreuil 93100 (@mal_logees_93) June 28, 2024
En effet, ni l’intéressé ni son avocate n’ont été informés que l’expulsion aura lieu à bord d’un vol Corsair Paris-Bamako, qui décollera le 2 juillet à 13 h 55. L’avocate dénonce une politique de « vols cachés » adoptée par l’administration.
De plus, le jour du départ, des lettres d’intimidation ont été distribuées par la Police aux frontières aux passagers du vol concerné, les avertissant des peines encourues s’ils s’opposent au décollage de l’appareil en guise de soutien et de mobilisation pour la cause du jeune sans-papiers malien.
La @prefpolice met la pression sur les passagers pour les dissuader de se mobiliser pour Moussa .
Honte à vous https://t.co/vSMVfYj7DO pic.twitter.com/BYDzXM6AGl
— Assemblée des mal logé.es Montreuil 93100 (@mal_logees_93) July 2, 2024
Les passagers se mobilisent malgré les avertissements
Une fois dans l’avion, un appel d’avertissement du personnel résonne également dans les hauts parleurs, mettant en garde contre « une garde à vue » et « une perte de billet aller-retour », tentant ainsi de dissuader les passagers de montrer leur soutien au jeune Moussa et d’empêcher son expulsion.
Malgré la pression honteuse de la @prefpolice , des dizaines de passagers sont debout contre l'expulsion de Moussa.
Il faudra être https://t.co/OoBTCYyEHV pour les soutenir en cas de répression !
La solidarité est notre arme https://t.co/Yoofs2I0wE pic.twitter.com/TjdNGTmcX0
— Assemblée des mal logé.es Montreuil 93100 (@mal_logees_93) July 2, 2024
Défiant toutes ces mesures d’avertissement, une dizaine de passagers sont tout de même restés debout afin de faire annuler l’expulsion du jeune sans-papiers. « Aujourd’hui, c’est Moussa, demain, ça sera quelqu’un d’autre », s’indigne un des passagers.
Retardé pendant une heure grâce au courage de ces voyageurs, l’avion finit par décoller alors que certains de ces derniers étaient encore debout, rapporte le Journal L’Humanité.
Nouvelle loi sur l’immigration : un durcissement notable
Moussa se retrouve ainsi au Mali, un pays qu’il ne connaît pas, laissant ses enfants, son oncle et sa tante à Montreuil, en région parisienne. Il est accueilli par des membres de l’association malienne des expulsés qui promettent de faire de leur mieux pour « faire repartir Moussa en France si c’est possible ».
Cette affaire, en plus de dévoiler un acharnement administratif envers les sans-papiers en France, met en lumière la dureté de la nouvelle loi Asile et Immigration, promulguée en janvier 2024.
En effet, suite à son OQTF de 2022, Moussa a pu bénéficier de l’article L-611.3 qui protégeait les étrangers sans papiers arrivés en France à l’âge de 13 ans. Hélas, suite à sa deuxième OQTF, cet article n’existait plus, car supprimé par la nouvelle loi.
Selon l’avocat du sans-papiers, l’article L-611.3 avait pourtant « une importance pour la vie privée des individus ». Elle ajoute que la clause permettait de sauver « des cas spécifiques », notamment « des gens présents depuis 10 ou 20 ans de façon régulière sur le territoire français ou encore des enfants scolarisés ».
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