En France, les polémiques sur l’islam, les musulmans et l’immigration se suivent et ne se ressemblent pas. On en est arrivé à réglementer, au nom de la laïcité, les collants que les footballeurs portent sous leurs shorts. À bout de patience, Nassira El Moaddem, une journaliste française d’origine maghrébine, a évoqué un « pays de racistes dégénérés ».
France : ces cadres musulmans qui quittent le pays
Les mots sont crus, forts et exagérés, mais cette obsession à pourrir la vie aux musulmans de France et les stigmatisations qui les visent le sont tout autant. Elles sont insupportables au point de pousser des cadres musulmans « bien installés » à songer à quitter leur pays pour des cieux plus cléments.
𝗜𝗡𝗙𝗢. Depuis le mercredi 1er mai, la journaliste française Nassira El Moaddem est la cible d’une campagne raciste et haineuse sur les réseaux sociaux, alimentée par l’extrême-droite et les médias du groupe Bolloré, dont CNews et l’animateur Cyril Hanouna.
Son tort ? Avoir… pic.twitter.com/ElJFiv72a7
— TSA Algérie (@TSAlgerie) May 3, 2024
On parle d’un nouveau phénomène en France : l’exode des cadres musulmans. Le sujet est revenu au-devant de la scène à l’occasion de la sortie, vendredi 26 avril, du livre : « La France, tu l’aimes mais tu la quittes », co-écrit par les chercheurs Olivier Esteves (chargé de recherches au CNRS), Alice Picard (chercheuse en sciences économiques et sociales) et Julien Talpin (professeur à l’université de Lille et spécialiste de l’islam).
Selon ce dernier, ils seraient des « milliers, voire des dizaines de milliers » à faire le choix de tout laisser tomber en France pour s’installer dans d’autres pays occidentaux moins regardants sur l’origine ou la religion.
Les choses se sont dégradées à cause de la situation au Moyen-Orient, mais la stigmatisation des musulmans est antérieure à la guerre de Gaza qui dure depuis 7 mois.
Depuis au moins une vingtaine d’années et la promulgation de la loi interdisant le port de signes religieux à l’école, qualifiée de loi antivoile islamique, tous les événements, les phénomènes sociaux ou les faits divers sont mis à profit pour stigmatiser, par des médias et une partie de la classe politique, la composante musulmane de la société française.
Au fil des années, la parole raciste s’est libérée et une partie des médias et de la classe politique n’hésite plus à verser dans l’amalgame et la généralisation, présentant tous les musulmans responsables collectivement du moindre attentat terroriste ou fait de délinquance dans les cités ou les écoles.
Cette montée du discours raciste dans les médias s’est fait parallèlement à celle du courant xénophobe sur la scène politique. Les derniers sondages donnent la victoire à la présidentielle de 2027 à la probable candidate de ce courant, Marine Le Pen. Cette éventualité de l’accession de l’extrême-droite au pouvoir est un facteur aggravant pour l’exil des cadres musulmans de France.
France : les footballeurs interdits de porter des collants
En attendant, les médias, les réseaux sociaux, et même des institutions se chargent de leur rendre l’air français irrespirable.
Après s’être distinguée de ses homologues européennes en refusant l’interruption des matchs pendant le Ramadan afin de permettre aux joueurs musulmans de rompre le jeûne, la Fédération française de football (FFF) est revenue à la charge à travers une mesure qui cible directement les musulmans, en prétextant toujours la conformité au principe de laïcité.
La mesure a été prise fin février, mais elle n’a été révélée que cette semaine par RMC. Dans un courrier aux ligues de football, la FFF a rappelé que le port de certains équipements, comme le collant sous le short ou le casque, est interdit sauf en cas d’autorisation pour raisons médicales.
L’objectif est d’ « éviter tout détournement au principe de neutralité ». Ces équipements « ne sauraient être portés avec des signes ostensibles, visibles d’appartenance, tels qu’interdits par nos statuts », est-il écrit dans le courrier.
France : les mots crus et durs d’une journaliste d’origine maghrébine sur le racisme
Le short et le casque sont donc perçus comme des signes d’appartenance à la religion musulmane. Pour le collant, il pourrait être destiné pour cacher des parties du corps. Le casque, lui, il est carrément soupçonné de cacher le port du voile islamique.
La fédération française de foot a brandi la menace d’annuler le match si un joueur insiste à porter l’un de ces équipements interdits.
La divulgation de cette mesure a suscité un tollé en France. La réaction la plus forte est venue de la journaliste d’origine marocaine, Nassira El Moaddem. « Pays de racistes dégénérés. Il n’y a pas d’autres mots. La honte », a posté sur X la journaliste d’Arrêt sur image, mardi 30 avril.
Pays de racistes dégénérés. Il n'y a pas d'autres mots. La honte https://t.co/XHm9sR17Vn
— Nassira El Moaddem (@NassiraELM) April 30, 2024
Comme tous ceux qui ont défendu les musulmans contre la provocation et la stigmatisation, Nassira El Moaddem a eu son flot d’attaques et de messages racistes et haineux sur les réseaux sociaux.
Dans un nouveau tweet, elle a désigné un député du Rassemblement national, Julien Odoul, comme le responsable de ce déferlement de haine et étant le premier à s’attaquer à elle sur CNews.
En s'en prenant a moi de cette manière, en direct sur le plateau d'une chaîne comme @CNEWS, le député d'extrême droite @RNational_off @JulienOdoul savait exactement ce qu'il allait provoquer : des centaines (je n'exagère pas) de messages de haine comme ceux-là ⤵️ pic.twitter.com/8FsmROPWYa
— Nassira El Moaddem (@NassiraELM) May 1, 2024
En partageant des captures d’écran de certaines insultes reçues sur le Net, la journaliste assure avoir reçu des centaines de messages similaires.
Beaucoup lui ont rappelé ses origines marocaines et lui ont demandé de quitter la France alors qu’elle est Française, comme l’a rappelé le quotidien Libération dans un article consacré à cette affaire qui montre que les Français d’origine étrangère, notamment maghrébine sont toujours considérés comme des citoyens de seconde zone qui doivent remercier éternellement la France de le leur « avoir tout donné », et qu’ils ne peuvent en aucun cas émettre des avis ou critiquer la dérive raciste et xénophobe d’une partie de la classe politique et des médias.
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