Malgré ses déclarations de campagne, le président américain Donald Trump serait-il en train de suivre la voie de ses prédécesseurs en matière de politique étrangère, particulièrement au Proche-Orient ? À la surprise des observateurs internationaux, Trump a opéré un revirement éclair et radical sur la Syrie. Après avoir affirmé à plusieurs reprises son opposition à toute intervention en Syrie, il a ordonné une attaque contre l’armée du régime.
Jeudi soir, le Pentagone a annoncé que 59 missiles Tomahawk avaient été lancés sur la base aérienne de Al Sharyat en Syrie, d’où serait partie une attaque chimique meurtrière mardi dernier. La frappe a tué au moins six militaires et fait plusieurs blessés, selon l’armée syrienne. L’ordre en a été donné par Trump après une « longue réunion » avec ses conseillers en sécurité nationale, avant un dîner avec le président chinois Xi Jinping.
Un « acte émotionnel » ?
« Ce soir, j’ai ordonné une frappe militaire ciblée sur la base aérienne en Syrie d’où l’attaque chimique a été lancée », a déclaré le président Trump. « C’est dans cet intérêt vital de sécurité nationale des États-Unis d’empêcher et de dissuader la propagation et l’usage d’armes chimiques meurtrières », a-t-il expliqué.
« Des années de tentatives pour changer le comportement d’Assad ont toutes échoué, et échoué spectaculairement » a-t-il affirmé. « En résultat, la crise des réfugiés continue de s’aggraver, et la région continue d’être déstabilisée, menaçant les États-Unis et ses alliés. », a-t-il déploré, avant de poursuivre : « Ce soir, j’appelle toutes les nations civilisées à se joindre à nous pour essayer d’arrêter le massacre et l’effusion de sang en Syrie, et aussi pour faire cesser le terrorisme de tout type ».
Après avoir longtemps pris position contre une intervention militaire en Syrie du temps de Barack Obama puis pendant sa campagne électorale, Trump a fait volte-face en quelques heures. Ce revirement est, selon des médias américains, un « acte émotionnel » d’un homme choqué par les images de l’attaque chimique. « Aucun enfant de Dieu ne devrait jamais subir d’horreur pareille », a déclaré le président jeudi.
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Une démonstration de puissance américaine en Syrie
Mais le Secrétaire d’État Rex Tillerson a affirmé qu’il ne percevait pas du tout la réaction du président comme « émotionnelle ». Pour lui, après l’attaque chimique, Trump avait conclu que les États-Unis ne pouvaient plus « une nouvelle fois tourner le dos, faire semblant de ne rien avoir vu ».
Selon des officiels américains, la frappe était la solution militaire la plus limitée proposée à Trump. Elle avait pour objectif de montrer au président syrien Bachar El Assad que les États-Unis entendaient avoir recours à la force s’il continuait à utiliser des armes chimiques contre sa propre population. La rapidité de la décision américaine aurait eu pour objectif de maximiser l’effet de surprise et de montrer que Trump était prêt à agir militairement, même dans des délais très courts.
Un communiqué du bureau du président Assad, qui maintient ne pas disposer d’armes chimiques, a affirmé que les frappes révélaient « un manque de vision politique à long terme et un aveuglement militaire ».
Un moyen de compenser un rapprochement critiqué avec la Russie ?
Les frappes américaines ont été décidées alors que la Russie est très impliquée militairement aux côtés des troupes du régime syrien. Les forces russes ont été prévenues à l’avance des frappes américaines, selon le capitaine Jeff Davis, porte-parole du Pentagone. En réponse, Moscou a gelé vendredi un accord clé sur la coopération militaire avec les États-Unis en Syrie et a promis de renforcer les défenses anti-aériennes syriennes.
Le premier ministre russe Dmitry Medvedev a affirmé que les frappes américaines étaient illégales et était « à deux doigts de créer un conflit militaire avec la Russie ». Vendredi, le président Poutine a appelé à une réunion d’urgence du Conseil de sécurité.
Jusque-là, Trump avait affiché un rapprochement avec la Russie, ce qui lui avait valu des critiques dans son camp. Certains observateurs suspectent que les frappes servent aussi à faire diversion quant à ce rapprochement et à améliorer la popularité du nouveau président américain.
Pour Dmitri S. Peskov, porte-parole du président Russe Vladimir Poutine, ces frappes ont été lancées pour détourner l’attention des nombreuses victimes civiles de l’attaque américaine à Mossoul, en Irak. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergey V. Lavrov, a quant à lui comparé les frappes à l’invasion américaine en Irak en 2003.
Le Secrétaire d’État Rex Tillerson doit se rendre à Moscou mardi pour sa première visite dans ces fonctions. Selon des officiels américains cités par le New York Times, l’attaque pourrait servir à faire pression sur les Russes afin qu’ils se positionnent contre l’utilisation d’armes chimiques par le gouvernement syrien, et qu’ils facilitent une résolution diplomatique du conflit.
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