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Fumio Iwaï, l’ambassadeur du Japon qui a conquis l’Irak

Fumio Iwaï, l’ambassadeur du Japon qui a conquis l’Irak

« Fumio Iwaï »: c’est un nom qu’ils ont peut-être encore du mal à prononcer, pourtant, ils assurent qu’ils ne l’oublieront pas. En Irak, l’ambassadeur du Japon quitte ce mois un pays où il a su se fondre et gagner les cœurs.

Sa notoriété, il l’a acquise auprès des Irakiens en s’adressant régulièrement à eux dans de courtes vidéos en arabe classique et à plusieurs reprises en dialecte irakien, qui laisse parfois même d’autres Arabes pantois.

De quoi détoner dans un pays où la plupart des diplomates se suivent et se ressemblent –souvent cantonnés à l’ultra-sécurisée zone verte, interdite d’accès à la quasi-totalité des Irakiens.

Son voyage dans le monde arabe et dans sa langue qu’il manie désormais avec délice, Fumio Iwaï, le visage barré en permanence d’un immense sourire, l’a entamé il y a trente ans, sur ordre de sa hiérarchie.

« Le ministère des Affaires étrangères japonais m’a dit d’apprendre l’arabe », se rappelle ce natif de Tokyo âgé de 67 ans.

Le jeune diplomate qu’il était alors s’est installé en Egypte, où il a vécu deux ans en immersion dans une famille pour se plonger dans la langue, « l’une des plus difficiles au monde à cause de ses très nombreux mots et expressions ».

« Bagdadi pur jus »

A cause de cela, modeste, l’homme dit encore n’en être qu' »au début du chemin » de la langue arabe, grâce à laquelle il a déjà pourtant séduit tout un peuple.

Prononcez son nom au milieu d’un groupe d’Irakiens et vous le verrez. La réponse est invariablement la même dans le pays où smartphones et réseaux sociaux sont omniprésents et parfois l’une des uniques sources d’informations: « vous avez vu sa dernière vidéo? ».

Et dans un pays où la technologie n’empêche pas de respecter les traditions, Fumio Iwaï sait s’adapter à son public. Ses interventions, il les entame toutes, comme chacun avant d’entamer un discours, par un tonitruant « Salam Aleikoum » ou par les formules rituelles musulmanes.

A la foire internationale de Bagdad, pour la Journée du Japon, il s’est fendu d’une vidéo en tenue traditionnelle bagdadie, keffieh jeté sur les épaules. Dans cette vidéo partagée sur les réseaux sociaux, vue près de 120.000 fois, il lance en dialecte irakien: « Regardez comme je suis beau. Aujourd’hui, je suis un Bagdadi pur jus! ».

Depuis sa résidence dans la zone verte, où il reçoit l’AFP –en kimono cette fois–, le diplomate en poste depuis trois ans à Bagdad dit connaître « plusieurs ambassadeurs qui parlent arabe, mais rare sont ceux qui l’utilisent pour s’adresser aux gens ».

Mais il n’y a pas qu’avec la langue que Fumio Iwaï est parvenu à séduire les Irakiens, qui lui ont même trouvé un surnom irakien, « Abou Koji », le père de Koji en arabe, dans un pays où la tradition veut que les hommes soient appelés en fonction du nom de leur fils.

Fumio Iwaï n’a pas de fils prénommé Koji, mais le nom devait sonner assez japonais pour que les Irakiens le lui accolent, assurent ses nombreux fans dans les rues de la capitale.

Haydar al-Banna, 35 ans, est l’un d’eux. Sa vidéo préférée, lui, c’est celle tournée « pendant les qualifications pour la Coupe du Monde », qui compte plus de 737.000 vues, dit-il à l’AFP. « Quand l’Irak a rencontré le Japon, il a fait une vidéo dans laquelle il portait le maillot de l’Irak », raconte-t-il.

Sushis irakiens

« Il a dit qu’il serait content que le Japon gagne, mais qu’en même temps, une défaite de l’Irak l’attristerait: on dirait un Irakien, c’est comme s’il avait vécu depuis 50 ans ici », assure ce fonctionnaire bagdadi.

D’ailleurs Fumio Iwaï en convient lui-même, quand il partira dans quelques jours, certaines choses lui manqueront, comme… les dolmas, ces petits légumes farcis que certains appellent parfois les « sushis irakiens ».

Mais au moment de partir, Fumio Iwaï a bien quelques griefs contre son « deuxième » pays. « Le plus dur en Irak, dit-il, c’est la chaleur! ».

Mais derrière son sourire, il glisse tout de même que la fournaise irakienne –qui dépasse les 50 degrés en été– a peut-être aussi à voir avec « les murs de béton, la pollution et le manque d’espaces verts » dans un pays en guerre quasiment sans interruption depuis 1980.

Sur Facebook, certains assurent que ses conseils pourraient être précieux pour leur avenir. Des groupes réclament que Fumio Iwaï soit fait citoyen irakien pour devenir… ministre de la Reconstruction.

Mais le diplomate a déjà répondu dans la presse… sur le ton de la blague. Le Japon n’autorise pas la double nationalité, a-t-il dit, et s’il abandonnait sa nationalité d’origine, il rendrait ses parents trop tristes!

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