Politique

Gaid Salah appelle au « dialogue » : une déclaration qui manque de clarté

Quelques heures après avoir fermé toutes les portes à une solution en dehors de la Constitution, Ahmed Gaïd Salah a prononcé un autre discours dans lequel il s’est montré plus conciliant. À l’école des troupes spéciales de Biskra, le chef d’état-major de l’ANP a appelé au dialogue pour résoudre la crise qui secoue le pays depuis près de deux mois et demi.

« Je demeure entièrement convaincu qu’adopter le dialogue constructif avec les institutions de l’État est l’unique moyen pour sortir de la crise, étant conscient que le dialogue est l’un des moyens les plus civilisés et les plus nobles dans les relations humaines et la voie la plus judicieuse pour présenter des propositions constructives, rapprocher les points de vue et atteindre un consensus autour des solutions disponibles », a déclaré dans l’après-midi du mardi 30 avril le général de corps d’armée. Le discours a été diffusé ce mercredi matin par le MDN.

Mardi matin, dans son premier discours, il avait laissé entendre que l’organisation des élections présidentielles « le plus tôt possible », constitue « la solution idéale pour sortir de la crise ». Dans son allocution prononcée à Biskra, il n’a à aucun moment été question du cadre constitutionnel ni de l’élection présidentielle sur lesquels il a tant insisté ces dernières semaines. A la place, cet appel direct au dialogue qui sous-entend que toutes les portes sont ouvertes.

Avec ce nouveau discours, le commandement de l’armée s’est-il rendu à l’évidence que l’élection ne peut se tenir à sa date initiale à cause de son rejet par le peuple, la classe politique et des corporations entières, et qu’une telle éventualité signifiera une sortie de fait de la Constitution ? Au soir du 9 juillet, si un nouveau président n’est pas dûment élu, le pays sera sans direction légitime et il faudra bien improviser une solution en dehors de la loi fondamentale qui ne prévoit pas une telle situation. L’insistance de l’armée à privilégier la solution constitutionnelle en dépit de son rejet unanime a mené à une impasse qui impose maintenant un dialogue inclusif comme unique voie de sortie.

Mais l’appel d’Ahmed Gaïd-Salah pèche par un manque de clarté qui risque de lui valoir, s’il n’est pas explicité, la même fin de non-recevoir de la part de la rue et de l’opposition que pour son plan de sortie de crise initial. Il ne précise ni l’objet effectif du dialogue ni quelles sont ces « institutions de l’État » avec lesquelles il appelle à engager des discussions.

Si l’allusion est faite à la présidence de la République et au gouvernement, ce qui est fortement probable, autant dire que la proposition n’a que très peu de chances d’être acceptée sachant que le rejet jusque-là de la solution constitutionnelle était notamment motivé par le seul fait de la présence à la tête de ces institutions d’hommes hérités de Bouteflika, donc très peu crédibles.

Du reste, Abdelkader Bensalah, chef de l’État par intérim, n’a pas attendu le discours de Gaïd Salah pour lancer une initiative de dialogue avec le résultat que l’on sait. Dans son bureau, très peu pour ne pas dire aucune personnalité crédible n’a défilé, ce qui n’empêche pas le chef de l’armée dans son discours de ce 30 avril de « saluer l’adhésion de nombreuses personnalités et partis à l’idée de l’importance d’adopter le principe de dialogue, qui doit aboutir à des mécanismes raisonnables de sortie de crise ».

Il est vrai que le rejet de la première offre de dialogue était motivé par le fait d’être initiée par Bensalah, mais aussi par son objet même, soit la préparation de l’élection présidentielle du 4 juillet. Cela signifie-t-il que la rue et l’opposition se montreraient plus réceptives à des discussions qui porteraient sur une autre voie de sortie de crise ? Peut-être, mais faudra-t-il d’abord que l’armée soit plus explicite et assume directement son rôle de principal centre de décision depuis la démission du président Bouteflika.

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