Trois jours après le constat définitif de l’échec de l’élection sur laquelle il a tant insisté, Ahmed Gaïd Salah s’est exprimé sur l’évolution de la situation politique à la lumière de cette nouvelle donne.
Son allocution prononcée ce mardi 28 mai à Tamanrasset a sans doute acté la mort du scrutin du 4 juillet, mais pas de l’élection présidentielle ni de “la solution constitutionnelle”. Le chef d’état-major de l’ANP y tient comme au premier jour en rappelant « l’impératif de l’organisation des élections présidentielles, le plutôt possible » et le fait que « l’Algérie attend une sortie légale et constitutionnelle qui la prémunira contre toute forme d’exacerbation de la situation ».
Surtout, il rejette toute idée de période de transition. Gaïd Salah préconise de nouveau un « dialogue sérieux, rationnel, constructif et clairvoyant, qui place l’Algérie au-dessus de toute considération », « unique voie pour résoudre la crise que vit notre pays ».
Un appel qui se distingue de celui du 30 avril par le seul fait que, cette fois, il n’est pas dit que le dialogue se fera avec « les institutions de l’État ». En tout cas, il ne se fera pas avec l’armée directement puisque la question a été tranchée il y a une semaine par le même Gaïd Salah qui a réservé une fin de non-recevoir à l’appel au dialogue direct avec l’ANP lancé par Taleb Ibrahimi.
Pour récapituler, l’élection doit avoir lieu le plus tôt possible, sans passer par une période de transition et doit être précédée par un dialogue national. Si l’élection n’a pas lieu le 4 juillet et qu’une instance de transition n’est pas mise en place, cela pourrait bien donner lieu à la prolongation du mandat de Abdelkader Bensalah, sans aucun fondement légal, faut-il le souligner.
En parlant de « concessions réciproques pour le bien du pays », le chef de l’armée vient-il de proposer au nom du pouvoir un deal qui consistera à partager la poire en deux : sacrifier le Premier ministre et garder le chef de l’État par intérim ? On n’en est pas encore là, mais une telle lecture n’a rien de farfelu. Si tel sera le cas, l’invitation au dialogue trouvera-t-elle cette fois une oreille plus attentive chez l’opposition politique et les animateurs du mouvement populaire ?
Tout comme celui du 30 avril, l’appel de ce 28 mai pèche par un manque de clarté. Gaid Salah ne précise rien des contours du futur dialogue, ni sur quoi il portera ni avec qui il se fera. C’est à peine s’il met une sorte de préalable qui peut donner lieu à moult interprétations, en estimant que ce dialogue devra voir la participation des « personnalités et des élites nationales, fidèles à la nation et à son intérêt suprême sacré ».
Pour ne pas heurter les formes, l’appel au dialogue devrait être lancé incessamment d’une manière formelle par le chef de l’État par intérim. En attendant, le pouvoir peut bien donner à l’opposition des raisons de ne pas le décliner en montrant des signes de bonne volonté, comme l’arrêt de la répression des manifestants dès qu’ils sont peu nombreux, des poursuites à l’égard des activistes et militants politiques, du contrôle des médias lourds, des attaques des trolls qui empoisonnent la Toile…
Hélas, ça ne s’annonce pas prometteur dans ce registre. Le jour même où le pouvoir prêche les vertus du dialogue et réitère la légitimité de l’aspiration du peuple au changement, Kamel Eddine Kekhar, militant des droits de l’Homme, meurt en prison des suites d’une grève de la faim et d’une mauvaise prise en charge.
La veille, deux jeunes manifestants étaient inculpés de tentative de meurtre pour avoir poussé du haut d’un camion un policier qui aspergeait la foule de gaz lacrymogène. Faire passer des manifestants devant un tribunal criminel, c’est tout sauf un geste d’apaisement.