Chaque mardi, depuis maintenant deux mois, le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’armée s’adresse aux Algériens. Chaque semaine, à partir d’une région militaire, le général de corps d’armée Ahmed Gaid Salah intervient dans un discours politique. Il explique les choix du commandement de l’armée dans une conjoncture marquée par une forte contestation populaire se manifestant sous plusieurs formes.
Ce mardi 23 avril à Blida, Gaid Salah s’est exprimé, après avoir assisté à des exercices de combat à munitions réelles. Il a parlé pour rappeler que l’armée ne veut pas « sortir » du cadre constitutionnel de l’article 102 qui consiste à maintenir Abdelkader Bensalah, chef d’État par intérim, contre l’avis des Algériens qui marchent quotidiennement contre « les symboles du régime » en exigeant leur départ.
Gaid Salah a défendu, sans le citer, le choix fait par l’actuel locataire d’El Mouradia d’engager des « consultations » avec la classe politique, initiative qualifiée de « mécanisme civilisé ». Il a critiqué ceux qui ont refusé d’y prendre part.
Paradoxalement, Abdelkader Bensalah, qui n’a pas assisté à ces consultations politiques, boycottée par l’opposition, n’a pas pris la parole pour les défendre. Il n’a même pas cherché à convaincre les partis et la société civile d’assister. La salle vide du Palais des Nations ne l’a pas fait réagir. Bensalah a-t-il perdu l’usage de la parole ?
« Convergence de visions »
Le chef d’état-major de l’ANP, qui craint « le vide constitutionnel » et qui critique l’opposition, a fait le choix de croire que la solution politique passe par l’élection présidentielle, contre l’avis de la majorité des Algériens et de la quasi-totalité de la classe politique – même le RND, le MPA et TAJ ont appelé à son report.
« À tous ceux-là nous dirons que le peuple algérien est souverain dans ses décisions, et c’est à lui qu’il appartient de trancher la question lors de l’élection du nouveau président de la République, qui aura la légitimité requise pour satisfaire le reste des revendications populaires légitimes », a-t-il tranché.
Gaid Salah, qui n’a pas dit que la date de la présidentielle du 4 juillet sera maintenue ou pas, ne semble pas prendre en considération certaines propositions politiques faites par les partis, les personnalités, les universitaires et la société civile.
Mais, à y voir de plus près, il ne ferme pas totalement la porte à la possibilité d’autres voies, reconnaissant l’impasse actuel d’une manière implicite. « Il y a lieu de mettre à profit toutes les opportunités pour aboutir à une convergence des visions et un rapprochement des points à même de permettre d’aboutir à une solution, voire plusieurs, à la crise dans les plus brefs délais, car si la situation perdure davantage elle aura des conséquences néfastes sur l’économie nationale et sur le pouvoir d’achat des citoyens », a-t-il relevé.
Il n’y a donc pas qu’une seule « solution » à la crise. Le chaud et le froid dans le discours de Gaid Salah ? Possible. Mais que fait donc Bensalah ? A-t-il les mains ligotées ? Selon ses soutiens, il a la légitimité constitutionnelle. Pourquoi alors, il ne prend pas des initiatives courageuses pour faciliter la sortie de l’impasse actuelle et répondre rapidement aux revendications des Algériens ? Ses consultations ont clairement échoué compliquant davantage la situation politique dans le pays.
« Juger tous ceux qui ont pillé l’argent du peuple »
Dans son discours, Ahmed Gaid Salah a également rappelé avoir demandé à l’appareil de la justice d’accélérer « la cadence des poursuites judiciaire concernant les affaires de corruption et de dilapidation des deniers publics et de juger tous ceux qui ont pillé l’argent du peuple ».
Qu’en pense Bensalah ? Dans les manifestations, les Algériens réclament des comptes et le jugement des « voleurs » qui ont « mangé » le pays. Le chef d’État par intérim ne veut visiblement pas se « mouiller », pas se « mêler » dans des demandes de poursuites pénales dans les affaires de corruption.
Refuse-t-il d’assumer des actes pareils alors qu’il a mandat pour le faire ? Ou agit-il autrement ? Le constat est là : Gaid Salah parle politique et Bensalah ne dit rien.