En prenant le parti du Maroc, l’Espagne a mis en péril sa relation avec l’Algérie, l’un de ses principaux fournisseurs en gaz.
Le gouvernement de Pedro Sanchez a effectué un revirement historique en annonçant le 18 mars dernier, via le cabinet royal marocain, son soutien au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental.
| Lire aussi : Comment l’Algérie peut devenir la « pile électrique » de l’Europe
Puis, il a volé au secours du Maroc en envisageant de le fournir en gaz via le gazoduc Maghreb-Europe (GME), fermé par les autorités algériennes en novembre dernier.
Fin avril, l’Algérie a directement menacé l’Espagne de revoir ses engagements contractuels si des quantités de son gaz venaient à finir au Maroc.
Une menace réitérée par l’ambassadeur d’Algérie en Italie. Dans un entretien avec l’agence italienne Nova Agenzia qui sera diffusé ce lundi, Abdelkrim Touahria a indiqué que l’Algérie était prête à couper les livraisons à l’Espagne si le gaz exporté est réexpédié vers une tierce partie. Comprendre le Maroc.
Les choses se seraient précipitées entre-temps. Selon la presse espagnole, l’Algérie a réduit la semaine dernière de près d’un quart ses livraisons de gaz à l’Espagne.
| Lire aussi : Pétrole, gazoduc GME, gaz algérien : entretien avec Francis Perrin
« Le rapport quotidien de contrôle du niveau d’arrivée du gaz via le gazoduc Medgaz indique que le niveau actuel de livraison est le plus bas depuis le début de l’année », écrit RFI qui cite des médias ibériques. Aux menaces exprimées par le ministère algérien de l’Energie, le gouvernement espagnol avait assuré que le gaz qui sera acheminé vers le Maroc ne proviendrait pas d’Algérie.
Les plans de l’Europe contrariés ?
Dans ce sens, le ministère de la Transition écologique vient d’ordonner au gestionnaire du réseau de gaz espagnol Enagás de « créer un système de garantie d’origine du gaz pour pouvoir exporter vers le Maroc sans déranger l’Algérie », rapporte le journal spécialisé El Periodico de Énergie.
Des sources d’Enagás ont confirmé travailler déjà sur la nouvelle procédure afin de garantir que le GNL acheté par le Maroc puisse être injecté dans le réseau gazier espagnol puis exporté vers le Maroc via le gazoduc Maghreb-Europe (GME).
« C’est avec ce système de garanties que le Gouvernement veut satisfaire l’Algérie et lui donner ainsi la garantie qu’aucune molécule de gaz que Sonatrach fournit à l’Espagne ne se retrouve au Maroc », écrit le journal.
En prenant le risque de se brouiller avec Alger, le gouvernement espagnol a aussi contrarié les plans de toute l’Union européenne pour son approvisionnement en gaz, dans un contexte de fortes tensions avec la Russie, principal fournisseur de gaz de l’Europe.
La présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, vient de relancer le débat autour du projet d’interconnexion gazière entre la France et l’Espagne, interrompu en 2019. Baptisé MidCat (Midi-Catalogne), le projet est jugé “crucial” par la présidente de la Commission européenne.
« Nous privilégierons les projets transfrontaliers, comme par exemple la liaison cruciale entre le Portugal, l’Espagne et la France (…) Il faut le faire maintenant pour nous libérer des menaces russes », a-t-elle dit.
Bruxelles espère en faire transiter les importations de GNL par l’Espagne, qui dispose de six terminaux gaziers, soit le réseau le plus important d’Europe.
Outre le fait que les terminaux espagnols ne soient pas suffisamment reliés au réseau européen, la crise en cours du Maroc et de l’Espagne avec l’Algérie est un autre point qui fragilise la reprise du projet destiné à faire entrer en France le gaz provenant d’Espagne, analyse le journal français La Tribune.