Économie

Gaz algérien : l’Europe prise à son propre piège

Jamais peut-être le monde n’a parlé avec autant d’intérêt du gaz algérien. Depuis quelques semaines, voire plusieurs mois, analystes et politiques citent l’Algérie comme l’une des alternatives les plus sérieuses pour compenser les quantités de gaz russe qui viendraient à manquer en Europe si l’arme énergétique est dégainée ou si la guerre qui se profilait perturbe les livraisons.

Le déclenchement des hostilités jeudi 24 février a accéléré les choses côté européen. Le 28 février, le ministre des Affaires étrangères de l’Italie, premier client de l’Algérie pour le gaz, s’est rendu à Alger dans une visite surprise dont il n’a pas caché l’objet : convaincre les autorités algériennes de fournir à son pays des quantités supplémentaires de gaz. Luigi Di Maio est reçu au plus haut niveau de l’État, par le président Abdelmadjid Tebboune.

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Le ministre italien a communiqué sur le motif de sa visite, mais il a été moins loquace quant à ce qu’il a obtenu. On ne sait donc toujours pas quelle a été concrètement la réponse d’Alger à la sollicitation italienne.

On sait en revanche que la question est éminemment politique, mais aussi technique. En d’autres termes, l’Algérie a-t-elle les moyens de satisfaire dans l’urgence, même en partie, la forte demande européenne qui résulterait de la baisse ou de l’arrêt des livraisons russes ?

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Côté algérien, on a eu droit à de vagues réponses à chaque fois que la question a été évoquée. Le 27 février, le PDG de Sonatrach a plus concrètement parlé, dans un entretien au journal Liberté qui fera d’ailleurs polémique, d’une capacité inutilisée sur le gazoduc Transméditerranéen (qui relie l’Algérie à l’Italie) « qui pourrait être utilisé pour augmenter les approvisionnements du marché européen ».

Mais Tewfik Hakkar a nuancé en précisant que « ces appoints en gaz naturel et/ou en GNL sont tributaires de la disponibilité de volumes excédentaires après satisfaction de la demande du marché national, de plus en plus importante, et de ses engagements contractuels envers ses partenaires étrangers ». Toute la question est en effet là.

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L’Europe importe 40% de son gaz de Russie et seulement 11% d’Algérie. Il est donc impensable que l’Algérie puisse compenser d’un trait le gaz russe et c’est pour cela que les Européens ont pris attache avec tous les gros producteurs de la planète.

Même la demande supplémentaire de ses deux principaux clients européens, l’Italie et l’Espagne, il sera difficile à l’Algérie de la fournir en intégralité en l’état actuel des choses, estiment unanimes plusieurs experts.

Abdelmadjid Attar, ancien ministre de l’Energie, s’est montré sceptique, dans une déclaration à l’AFP, même sur la capacité d’exploiter la capacité inutilisée sur le Transméditerranéen dont a parlé le PDG de Sonatrach.

La politique énergétique européenne en cause

L’Algérie exporte 22 milliards de mètres cubes vers l’Italie sur une capacité du gazoduc de 32 milliards. Dix milliards de mètres cubes supplémentaires peuvent en théorie être acheminés sans investissements dans la logistique dans l’immédiat. Or, souligne l’ancien ministre, l’Algérie pourra « fournir à l’UE deux à trois milliards de mètres cubes de plus au grand maximum ». Il faut bien le noter, ce volume c’est pour toute l’Europe et non seulement l’Italie.

Après un net recul depuis une décennie, la production algérienne de pétrole et de gaz a repris l’année dernière, ainsi que les exportations (5 et 17 % respectivement par rapport à 2020, selon le PDG de Sonatrach). Les livraisons à l’Italie ont augmenté de 109%, selon le même responsable.

Des investissements sont prévus pour maintenir la cadence (39 milliards de dollars pour les 4 prochaines années, 8 milliards en 2022), mais leur effet est attendu sur le moyen terme et il faudra surtout compter avec une consommation interne qui croît en moyenne de 5% par an (8% en 2021).

Si aujourd’hui les Européens sont pris de court et ne peuvent pas attirer plus d’un partenaire pourtant unanimement qualifié de « fiable », c’est en partie à cause de leurs décisions antérieures en rapport avec le secteur énergétique algérien, indique à TSA un expert dans le domaine de l’énergie.

Il explique que l’Europe se retrouve prise à son propre piège en faisant le forcing pour privilégier le marché spot au détriment des contrats à long terme, seule garantie pour les investissements lourds consentis par les producteurs.

Ce sont aussi les Européens qui n’ont pas voulu du Gazoduc Nigal devant acheminer le gaz nigérian vers l’Algérie, puis jusqu’en Europe, ajoute le même expert. Ce gazoduc est « une opportunité que l’Europe n’a pas saisie. Il est utile en ces circonstances de le rappeler », a rappelé l’économiste Mustapha Mekideche, dans un entretien à El Watan publié dimanche 27 février.

Il rappelle aussi que le GME (gazoduc Maghreb-Europe), fermé en novembre dernier par l’Algérie suite à la crise politique avec le Maroc, devait traverser les Pyrénées pour alimenter la France et même l’Allemagne, mais cela n’a pas suscité l’intérêt de l’Europe.

Le secteur énergétique algérien a souffert ces dernières années du manque d’investissements étrangers, dont ceux de l’Europe justement, et l’Algérie a compté dans une large mesure sur ses propres moyens pour maintenir les champs en exploitation et mettre en service de nouveaux gisements.

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