Alors que la plupart des accords algériens de gaz à long terme avec les pays de l’Union européenne doivent s’achever entre 2018 et 2019, le ministre du Développement économique italien, Carlo Calenda, a indiqué la semaine dernière, selon des propos rapportés par la presse italienne, qu’il serait « difficile » pour l’Italie de renouveler les contrats gaziers avec l’Algérie.
Sécuriser l’approvisionnement
Le gouvernement italien craint en effet -à l’approche de l’expiration des contrats de fourniture de gaz à long terme- une insuffisance de la production algérienne, a indiqué le ministre. « En raison des volumes actuels, on considère toutefois difficile que ces derniers « contrats avec l’Algérie » puissent être renouvelés ».
Interrogé par un parlementaire le mercredi 5 avril sur le projet de gazoduc Transadriatique (TAP) (acheminement de gaz naturel azerbaïdjanais vers l’Europe), le ministre a indiqué que l’Italie souhaitait diversifier les sources et les voies d’approvisionnement en gaz.
« Le choix du gazoduc TAP augmentera la sécurité de l’approvisionnement, la diversification des sources de gaz, l’augmentation de l’offre et le nombre de fournisseurs concurrents sur les marchés italiens et européens, avec des effets positifs sur la tendance des prix ». « L’Italie dépend actuellement à 45% du gaz russe, passant à 65 % en hiver. Les autres fournisseurs sont l’Algérie et la Libye », a précisé le ministre, toujours selon des propos rapportés par la presse italienne.
Coup de bluff de l’Italie ?
Cette annonce du gouvernement italien n’est pas sans lien avec le fait que l’Algérie souhaite que la production de gaz soit plus destinée au marché intérieur en raison de la croissance de la demande, rappelle à TSA Christopher Dembik, responsable mondial de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank.
De plus, le fait que l’Algérie ait peu investi ces dernières années dans les infrastructures laisse craindre une baisse de la production algérienne, ce qui pourrait engendrer des difficultés d’approvisionnement en gaz, précise l’économiste.
Un document du ministère du Développement économique italien, intitulé « stratégie énergétique nationale 2017 » en date du 1er mars 2017, confirme cette hypothèse. Il indique que l’Italie a besoin, à l’approche de l’expiration de ces contrats, de reconsidérer ses sources d’approvisionnement en énergie.
Les volumes à l’export en provenance d’Algérie vont baisser car le pays fait face à une « augmentation de la demande intérieure », à « une stabilisation de la production nationale en raison de l’absence d’investissements », et au développement à l’export du GNL (gaz naturel liquéfié), précise le document. « Cela ouvre la nécessité d’évaluer les sources alternatives d’approvisionnement en gaz », indique ce rapport.
Enfin, dernière hypothèse, il ne faut pas exclure que cette déclaration soit un coup de bluff afin que Rome puisse renégocier à la baisse ses tarifs gaziers avec son fournisseur historique. « Ce n’est pas improbable », indique Christopher Dembik. D’autant plus que le ministre du Développement économique italien a indiqué, selon des propos rapportés par l’agence de presse italienne Askanews, que l’acheminement de gaz azerbaïdjanais « conduira à une baisse des prix pour les consommateurs ».
Un impact limité
Toutefois, les conséquences d’un tel scénario pour l’Algérie doivent être relativisées, indique Christopher Dembik. D’une part, le risque de contagion est à exclure « il n’y a aucun membre de l’Union européenne qui a décidé de revoir ses approvisionnements. Dans tous les cas, ce serait un aspect isolé, il n’y aurait pas d’effet d’entraînement ».
Le ministre de l’Énergie, Noureddine Boutarfa, a d’ailleurs rencontré ce mardi matin, à Bruxelles, le commissaire européen à l’énergie et au climat, Miguel Arias Cañete. À l’issue de cette rencontre, ce dernier a souligné à plusieurs reprises la « fiabilité » de l’Algérie en la matière. Boutarfa a de son côté indiqué qu’ « il n’y aura pas de problème de renouvellement (de gaz) ».
De plus, l’Algérie, engagée dans une baisse de la dépense publique, devrait pourvoir faire face à une telle situation. « Le pays a commencé à réduire ses subventions aux hydrocarbures dans un contexte où les prix du pétrole sont stables (55 dollars le baril, NDLR) », note Christopher Dembik.
Si l’arrêt de ces contrats avec l’Italie engendre une diminution des exportations (97% des exportations sont issues du pétrole et du gaz) et donc des revenus issus de la manne gazière, il faut toutefois noter que la chute des investissements dans les infrastructures pétrolières va entraîner une baisse de la production mondiale dans les années à venir. L’Algérie peut donc compter sur une remontée des prix.
Dans son rapport « Pétrole 2017 » sur les perspectives à cinq ans publié en mars, l’Agence internationale de l’Énergie (AIE) indique que l’offre mondiale de pétrole pourrait avoir du mal à répondre à la demande après 2020, faute d’investissements suffisants dans l’exploration-production. Cette situation pourrait faire tomber les capacités de réserve à un creux de 14 ans et provoquer une hausse des prix.