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Gaza : Israël est en « train de perdre la guerre »

Plus de deux mois et demi après le déclenchement de la guerre de Gaza le 7 octobre dernier, l’armée israélienne n’a toujours pas atteint son objectif déclaré d’anéantir le Hamas.

Elle serait même en train de perdre la guerre, estiment de plus en plus d’analystes étrangers, y compris occidentaux.

« Israël est en train de perdre la guerre contre le Hamas, mais Netanyahou et son gouvernement ne l’admettront jamais », estime dans une tribune publiée dans The Guardian l’universitaire britannique Paul Rogers, professeur d’études sur la paix à l’Université de Bradford et consultant en sécurité mondiale auprès de l’Oxford Research Group.

Paul Rogers estime que, jusqu’à récemment, et malgré le bilan très lourd parmi les civils palestiniens (plus de 20 000 morts et de 50 000 blessés), le gouvernement israélien pouvait encore vendre « le récit d’un Hamas gravement affaibli », et d’une victoire acquise dans le nord de Gaza en attendant celle du sud qui ne saurait tarder.

Selon le chercheur, la propagande israélienne était facilitée par les difficultés rencontrées sur le terrain par les journalistes indépendants, qui avaient notamment peur pour leur sécurité et qui ne disposaient d’autres sources pour leur travail que l’armée israélienne elle-même.

Mais une image différente a commencé à émerger, étayée par des faits. Paul Rogers rappelle que l’armée israélienne n’a pas été en mesure de prouver qu’un quartier général du Hamas se trouvait sous l’hôpital al-Shifa qu’elle a bombardé, pas plus qu’elle n’a pas pu identifier l’emplacement des otages israéliens. Il cite ensuite deux faits sur le terrain qui balaient toute la propagande israélienne.

Le 12 décembre, les combattants du Hamas ont tendu une triple embuscade dans une partie de Gaza prétendument contrôlée par les forces israéliennes.

Une unité de l’armée israélienne est tombée dans le piège ainsi que celles envoyées en renfort. Bilan : dix soldats tués, dont un colonel et trois majors de la brigade d’élite Golani.

« Que le Hamas, soi-disant décimé et avec des milliers de soldats déjà tués, puisse organiser une telle opération n’importe où à Gaza, de surcroît dans un district qui serait déjà sous le contrôle de l’armée israélienne, devrait faire douter de l’idée selon laquelle Israël fait des progrès substantiels dans la guerre », écrit l’universitaire britannique.

Israël à Gaza : « Ça va vraiment mal »

L’autre revers qui ne plaide pas en faveur d’une maîtrise israélienne de la situation, c’est la mort de trois otages, tués par des soldats israéliens après avoir réussi à échapper à leurs ravisseurs, « bien qu’ils soient torse nu et portaient un drapeau blanc ».

Plus largement, Paul Rogers cite les pertes annoncées de l’armée israélienne, soit plus de 460 militaires tués et 1.900 blessés, alors que d’autres sources évoquent un nombre bien plus élevé.

Le journal israélien Yedioth Ahronoth a appris du département de réhabilitation du ministère de la Défense israélien que plus de 2 000 soldats avaient été enregistrés comme handicapés et que 58 % de tous ceux qui ont été soignés souffraient de blessures graves aux mains et aux pieds. Times of Israel a rapporté de son côté que le nombre de militaires et de policiers blessés dans la guerre contre Gaza a atteint 6 125. De nombreux soldats sont en outre morts suite à des tirs amis.

Pendant ce temps, l’armée israélienne continue de suivre la doctrine de « la force massive » causant d’importants dégâts, « mais ça va vraiment mal », écrit Paul Rogers, soulignant que les critiques émanent désormais de milieux inattendus, comme l’ancien ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, et même de l’administration Biden qui commence à s’inquiéter de ce qui se passe.

« Mais Benyamin Netanyahou et le cabinet de guerre sont déterminés à continuer aussi longtemps qu’ils le peuvent », bien que le soutien dont ils ont bénéficié après le 7 octobre « s’effiloche et est aggravé par l’assassinat des trois otages par les troupes israéliennes ».

Beaucoup des commandants de l’armée « sont très intelligents » et savent désormais que « malgré toute la rhétorique de Netanyahou, le Hamas, ou du moins les idées du Hamas, ne peuvent pas être vaincus par la force militaire », selon l’auteur de la tribune qui pointe la « dépendance » de Netanyahou à l’égard d’une minorité extrémiste de fondamentalistes religieux et de sionistes intransigeants au sein de son gouvernement.

Ceux-ci « nuisent de plus en plus à la sécurité à long terme d’Israël ». « Non seulement Israël risque de devenir un État paria, même parmi ses alliés, mais cela alimentera également une génération d’opposition radicale de la part d’un Hamas reconstitué ou de son inévitable successeur », prévoit Paul Rogers.

Une analyse partagée par l’ancien ministre des Affaires étrangères français Dominique de Villepin. « En menant une politique massive de destruction des Palestiniens, vous allez faire encore plus d’adeptes du terrorisme » expliquait-il samedi sur LCI.

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