Économie

Gazoduc GME : l’Algérie cessera d’approvisionner le Maroc

Plus que 5 jours et le gazoduc Maghreb-Europe (GME), qui alimente la péninsule ibérique en gaz algérien via le Maroc, cessera officiellement de fonctionner.

La décision de l’Algérie de ne pas renouveler le contrat de son exploitation, qui expire le 31 octobre, vient d’être confirmée à l’agence Reuters par « trois sources ayant une connaissance directe du dossier », deux gouvernementales et une au sein de Sonatrach.

Plusieurs sources algériennes avaient fait part pendant tout l’été de l’intention d’Alger de ne pas renouveler le contrat, en réaction aux « actes hostiles » et « provocations » du Maroc qui ont mené à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays le 24 août.

 

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La décision était dans l’air avant même la rupture des relations. Le 21 août, des sources algériennes, avaient qualifié de « mensonges » des propos de Amina Benkhadra, directrice de l’office marocain des hydrocarbures, qui faisait état quelques jours plus tôt de la volonté de son pays à maintenir le gazoduc fonctionnel au-delà du 31 octobre 2021. 

Cette déclaration intervenait alors que le Maroc avait maintenu le suspense pendant des mois sur cette question, dans un contexte de tensions avec l’Algérie et l’Espagne.

L’option du non-renouvellement du contrat se précisait de semaine en semaine, au fil des sorties de hauts responsables algériens, dont le ministre de l’Energie, Mohamed Arkab, qui mettaient à chaque fois en avant l’alternative de renforcer les capacités de l’autre gazoduc qui relie l’Algérie à l’Espagne, sans passer par le Maroc, le Medgaz.

Opérationnel depuis 1996, le gazoduc GME a une capacité de 13,5 milliards de mètres cubes et alimente l’Espagne, le Portugal et le Maroc. 

Le gros de ses livraisons est destiné à l’Espagne, avec un volume annuel légèrement inférieur à 10 milliards de m3. Le Maroc tire de ce gazoduc environ un milliards de mètres cubes destinés à produire 10% de son électricité, en sus de près de 60 millions de dollars de droits de passage par an. 

Selon Reuters, l’Algérie cessera d’alimenter le Maroc dès le 1er novembre mais continuera à livrer son gaz à l’Espagne via le Medgaz, dont la capacité, estimée à 8 milliards M3 actuellement, sera portée à 10.5 milliards avant fin novembre. 

Le 10 octobre, le président Abdelmadjid Tebboune a indiqué qu’aucune décision n’a été prise concernant le renouvellement du contrat du GME, tout en affirmant que l’Algérie cessera d’approvisionner l’Espagne via son gazoduc.

« L’Espagne rassurée »

Le chef de l’État avait ouvert une porte pour d’éventuelles négociations avec le Maroc pour l’alimenter en gaz algérien. La décision de fermer le GME signifie que ces discussions n’ont pas lieu, ou elles ont échoué. Dans un contexte de fortes tensions entre les deux pays, il est très peu probable qu’il discute de livraisons de gaz.

L’agence britannique fait état d’inquiétudes des experts quant à la possibilité d’aggravation de la crise énergétique en Espagne « à un moment où les factures de gaz montent en flèche à travers l’Europe » et cela, du fait des « problèmes techniques liés aux projets algériens d’extension de la capacité du gazoduc Medgaz ».

Citant une quatrième source, « un haut responsable du gouvernement algérien », Reuters rapporte qu’en cas de perturbation, l’Algérie « utiliserait des navires pour transporter du gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Espagne ».

« Les analystes disent que cela signifierait que Sonatrach devrait affréter plus de navires, alimentant de nouvelles hausses des prix du GNL en raison des tarifs d’expédition ayant plus que doublé par rapport au début du mois », écrit l’agence.

Mais avant même d’annoncer officiellement sa décision, l’Algérie a rassuré le partenaire espagnol à plusieurs reprises.  Le 26 août, le ministre de l’Énergie a reçu l’ambassadeur d’Espagne en Algérie, Fernando Morgan, et l’a assuré de « l’engagement total de l’Algérie de couvrir l’ensemble des approvisionnements de l’Espagne en gaz naturel à travers le Medgaz ».

Le 30 septembre, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Jose Manuel Albares Bueno, s’est dit « rassuré » à l’issue d’une visite à Alger où il a rencontré notamment le président Abdelmadjid Tebboune.

« L’Algérie est un partenaire énergétique de premier ordre pour l’Espagne. Elle a aussi toujours été un partenaire fiable qui a honoré ses engagements. J’ai été rassuré aujourd’hui quant à la continuité de l’approvisionnement », a déclaré le chef de la diplomatie espagnole. L’Algérie est le premier partenaire énergétique de l’Espagne qui lui fournit 50 % de ses besoins en gaz.

Le Maroc songerait à inverser le flux du gazoduc, c’est-à-dire acheminer de l’Espagne du gaz regazéifié. Une option qu’une source algérienne a qualifiée de coûteuse et d’irréalisable, assurant le 12 octobre sur TSA, que « le GME sera un immense didgeridoo sur le territoire marocain ».

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