Le hirak est unanimement appelé à suspendre momentanément les marches hebdomadaires, le temps que passe le risque d’une propagation de l’épidémie qui fait trembler le monde entier.
Selon toute vraisemblance, les manifestations devraient marquer une pause car beaucoup de ces appels émanent de personnalités respectées des manifestants, certaines pleinement engagées dans le mouvement. Après le pouvoir, par la voix du Premier ministre, qui a appelé à l’union sacrée face à l’urgence sanitaire, la classe politique et les militants y vont de leurs appels à la sagesse et autres mises en garde.
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Le journaliste Hafid Derradji ou encore le militant des droits de l’Homme Saïd Salhi, pour ne citer que ces deux-là, font partie de ceux qui ont contribué, par ses publications sur les réseaux sociaux pour le premier et sa présence sur le terrain pour le second, à entretenir la flamme de la contestation depuis plus d’une année. Leur sincérité ne pouvant être mise en doute, s’ils ont consenti à appeler les manifestants à rester chez eux, « momentanément », c’est qu’il y a bien péril en la demeure.
Le danger était évident depuis quelque temps, précisément depuis que des pays de l’autre rive de la Méditerranée, autant dire des voisins immédiats de l’Algérie, étaient frappés de plein fouet.
L’Italie, la France et l’Espagne sont débordées, contraintes au confinement et au cloisonnement, faute d’alternative sanitaire, bien qu’elles disposent d’un système de santé bien plus performant que le nôtre. Qu’en sera-t-il en Algérie si le virus se met à se propager à la même cadence ?
L’éventualité donne froid dans le dos et le plus sage est de ne pas prendre de risques inutiles. Et ces rassemblements hebdomadaires de dizaines de milliers de citoyens en font partie.
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L’implication de voix respectées des manifestants était nécessaire car l’immense déficit de confiance des manifestants vis-à-vis des autorités empêchait que les appels de celles-ci trouvent un écho favorable. Lors des marches du 56e vendredi, survenant au lendemain de la mesure extrême de fermeture des écoles, il y avait, selon les avis unanimes, plus de monde dans les rues d’Alger que les week-ends précédents. Le lendemain, des militants ont tenté de marcher pour le quatrième samedi consécutif en dépit de la répression qu’ils savaient inéluctable.
Le hirak tenait en quelque sorte à réitérer sa détermination, bien qu’il n’ait plus rien à prouver après plus d’une année de marches sous la pluie, la chaleur, pendant le ramadan, etc.
Se rassembler contre le système au risque d’attraper une maladie mortelle est l’ultime message très fort que les manifestants de vendredi et samedi derniers ont tenu à faire passer.
Maintenant que c’est fait, il s’agit de démontrer que cette bravoure ne relève pas de l’inconscience, ou de l’égoïsme, le risque encouru n’étant pas seulement d’attraper la maladie mais aussi de la propager et de l’inoculer à des personnes vulnérables qui pourraient en mourir.
Les appels lancés en ce début de semaine pour un gel des manifestations portent un message commun : il ne s’agit plus de victoire ou de défaite, mais de préserver des vies, beaucoup de vies humaines.
L’enjeu est crucial pour le hirak dont le mot d’ordre premier, la silmiya, se trouve réellement mis à l’épreuve. Les facteurs de propagation ont beau être innombrables et les défaillances des autorités indéniables (comme le retard mis pour suspendre les liaisons aériennes et maritimes avec les pays fortement touchés), il s’en trouvera, en cas d’épidémie de grande ampleur, des voix qui mettraient tout sur le dos de ceux qui ont continué à se rassembler ou appelé à le faire.
Le mouvement gagnerait donc à marquer une pause au nom de l’intérêt commun pour lequel il se bat admirablement depuis plus d’une année. D’autant plus que la halte n’aura rien d’irréversible.
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