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Gestion du Covid-19 en Algérie : le sévère réquisitoire du Dr Lyes Merabet

Gestion du Covid-19 en Algérie : le sévère réquisitoire du Dr Lyes Merabet

Le Dr Lyes Merabet, président du syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), met en cause la gestion de la crise liée au Covid-19 en Algérie. Après les critiques du Dr Bekkat Berkani, c’est au tour du Dr Merabet de monter au créneau pour dénoncer les défaillances du ministère de la Santé dans la gestion de la crise sanitaire.

L’épidémie de Covid-19 a été particulièrement meurtrière pour les soignants algériens. Comment vivez-vous cette situation ?

Dr Lyes Merabet. Les professionnels de la santé ont effectivement payé un lourd tribut. On compte plus de 150 décès à cause du Covid-19 tous corps de santé confondus. Plus de 2 000 soignants ont été contaminés, beaucoup sont en convalescence jusqu’à aujourd’hui, certains sont actuellement hospitalisés en réanimation.

Ce qui est désolant c’est que les responsables à la tête du secteur n’en parlent pas beaucoup. On établit les courbes et on égrène les statistiques (des contaminations au Covid-19), mais on fait abstraction de cette malheureuse situation.

On ne fait cas de décès dans le corps de la santé que lorsque les personnels décédés sont rappelés à la mémoire des responsables que ce soit via les réseaux sociaux ou par le biais des courriers des syndicats de la santé dénonçant les conditions de travail en particulier le manque de moyens de protection.

Et lorsqu’on fait une analyse des statistiques macabres, nous trouvons que 50 % des décès parmi le corps médical sont des collègues du secteur privé. Car l’on a été incapable d’injecter les médecins libéraux dans l’organisation globale de la lutte anti-Covid en Algérie.

« On compte plus de 150 décès à cause du Covid-19 tous corps de santé confondus »

Et la Covid-19 n’est toujours pas considérée comme une maladie professionnelle pour les personnels soignants. Comment comptez-vous agir pour obtenir cette reconnaissance ?     

Effectivement, et à ce propos nous avons saisi encore une fois le ministre de la Santé qui, apparemment, est tellement occupé qu’il n’a pas le temps de recevoir les représentants des praticiens qui meurent chaque jour de la Covid-19.

La dernière demande d’audience du SNPSP date du 16 décembre dernier et elle est restée sans suite. L’ordre du jour devait porter sur l’ensemble des questions socioprofessionnelles, y compris la reconnaissance de cette maladie.

On nous a signalé qu’un courrier a été envoyé par le ministre de la Santé aux services du Premier ministère. Pourquoi ça traîne ? Pourquoi en Tunisie et au Maroc la question a été tranchée en faveur de la reconnaissance de la Covid comme maladie professionnelle ? Je ne parle pas des pays développés.

L’un des facteurs souvent évoqués par les professionnels de la santé, c’est le burn-out induit par une charge de travail colossale…

On a souvent dénoncé les difficultés qu’ont eu à subir les professionnels de la santé contaminés par la Covid-19 en matière de dépistage et leur prise en charge. Un travail d’accompagnement est nécessaire afin de pouvoir opérer des roulements des équipes dans les différentes structures hospitalières et permettre aussi la continuité des soins, de tous les soins et pas uniquement pour la prise en charge des malades Covid.

Nous avons demandé une reconnaissance du syndrome du burn-out comme maladie professionnelle. Jusqu’à présent, il n’y a rien eu dans ce sens. Nous avons sollicité le Premier ministre et le ministre de la Santé et nous avons déposé un courrier au niveau de la Présidence, demandant à ce qu’on s’occupe sérieusement des différents dossiers relatifs aux conditions socioprofessionnelles des professionnels de la santé qui ne bénéficient pas aussi d’un accompagnement psychologique.

C’est une grande douleur à chaque fois d’annoncer le décès d’un de nos collègues.

Qu’est-ce qui fait que vous en soyez arrivés à cette situation ?

C’est en rapport avec l’organisation, pour ne pas dire la désorganisation, qui a accompagné la prise en charge des malades du Covid-19, avec notamment les moyens de protection qui font défaut jusqu’à présent. Nous vivons cette situation de manière chronique.

Il y a aussi le circuit des soins qui n’est pas identifié, alors qu’il est susceptible de diminuer le risque de contamination pour les personnels de santé. Il fallait agir sur ce plan là, mais on ne l’a pas fait. On a ouvert des services Covid-19 partout et par la même on a « étalé » le niveau de contamination en milieu hospitalier.

Pour résumer : les causes sont le manque de moyens de protection et cette organisation qui n’a pas existé, ainsi que l’accompagnement psychologique qui n’a pas été assuré au profit des personnels soignants. L’accompagnement médical a également fait défaut, puisqu’il n’y a pas de dépistage spécifiquement dédié aux professionnels de la santé et ça n’a toujours pas été fait jusqu’à aujourd’hui.

Les lieux de confinement n’ont pas été assurés et à ce propos, il faut signaler aussi que beaucoup de soignants ont perdu des proches et ils culpabilisent en se disant que ce sont eux qui ont fait introduire le virus à la maison. Et beaucoup ont perdu des parents. Malgré cela, ils n’ont pas bénéficié d’une prise en charge psychologique.

En tant que praticiens, comment avez-vous accueilli la décision du président Tebboune de lancer la campagne de vaccination anti-Covid en janvier ?

Pour nous, c’est le début de la solution. On s’approche d’une solution qui répond à ce défi sanitaire et ça va soulager tout le monde y, compris les professionnels de la santé.

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