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Gladiator, le nouvel ami du roi Mohamed VI : d’une prison allemande au palais royal du Maroc

Gladiator, le nouvel ami du roi Mohamed VI : d’une prison allemande au palais royal du Maroc

Dans les innombrables « selfies » qu’il s’est fait avec des immigrés marocains lors de ses longs séjours à l’étranger Mohamed VI, 54 ans, ne sourit pas et il parait parfois un peu absent. Peut-être que cette posture est due à ses récents problèmes de santé – il a été opéré avec succès en février à Paris d’une arythmie cardiaque – ou au malaise provoqué par son divorce avec la princesse Lalla Salma annoncé en mars dernier par la revue espagnole « Hola », proche du palais royal marocain.

Sur les récentes photographies prises avec ses nouveaux amis, les frères Azaitar, le roi du Maroc exhibe un large sourire. « Nous sommes si heureux de voir notre roi heureux et en bonne santé », peut-on lire sur les réseaux sociaux. Un commentaire qui accompagne souvent les plus récentes images du monarque.

Les trois frères Azaitar ont franchi pour la première fois la porte du palais royal de Rabat le 20 avril dernier. Presque subitement, ils ont établi une vive amitié avec le souverain. Mohamed VI a voulu au départ leur accorder une audience pour les féliciter pour leurs succès aux championnats d’Allemagne d’Arts Martiaux Mixtes (MMA, d’après ses initiales en anglais), un sport qui combine des techniques de combat modernes et traditionnelles et qui, en apparence, ressemble beaucoup à la boxe.

Mohamed VI avec Abu Azaitar à la mi juin à Rabat. (DR)


Un roi souvent absent

Portant tous des costumes noirs et cravates, les trois frères se sont fait prendre en photo avec Mohamed VI tenant entre leurs mains le trophée remporté par Othman Azaitar, une énorme ceinture dorée, dans un championnat allemand. Ce même jour, un vendredi, le roi, qui est le Commandeur des croyants, le chef spirituel des musulmans marocains, les a emmenés à la mosquée Hassan à Rabat. Il les a fait placer juste à la deuxième rangée, derrière lui et le prince héritier Moulay Hassan. Les caméras de la télévision marocaine les ont alors montrés en faisant la Salat Joumoua (prière du vendredi).

22 avril 2018. Le roi reçoit les frères Abu Bakr, Othman et Omar Azaitar au palais royal de Rabat. (DR)


Ce n’est cependant pas avec Othman Azaitar, le vainqueur du championnat, ni avec Omar, à la fois manager et entraîneur, avec lesquels Mohamed VI établit la relation la plus étroite. Il s’est surtout lié d’amitié avec Abu Bakr, 32 ans, 1,8 mètres de haut et 84 kilos, d’après sa fiche d’athlète. Il les a certes invités tous les trois, en mai, à un « ftour » au palais. Mais avec Abu Bakr Azaitar il a eu plus d’égards. Il a passé avec lui à la mi-juin la fête de l’Aid el-Fitr.

20 avril 2018. Les frères Azaitar prient à la mosquée Hassan de Rabat juste derrière le roi et son fils le prince Moulay Hassan. (DR)


Pris par ses activités avec la fratrie Azaitar et plusieurs inaugurations, le roi du Maroc n’a pas trouvé un moment dans son emploi du temps pour recevoir Pedro Sánchez, le nouveau chef du gouvernement socialiste espagnol qui lui en avait fait la demande juste après son investiture le 1er juin. Le 3 janvier dernier, le souverain avait déjà annulé « pour des raisons d’agenda » la première visite d’État du roi d’Espagne au Maroc prévue du 9 au 12 de ce mois. Ces jours-là, il était à Paris. Depuis, il n’a proposé aucune date pour qu’elle puisse se tenir.

20 avril 2018. Les frères Azaitar prient à la mosquée Hassan de Rabat juste derrière le roi et son fils le prince Moulay Hassan. (DR)


Après l’Aid, Mohamed VI est reparti aussitôt, le 18 juin, pour la énième fois en vacances à Paris, mais le 29, il était déjà de retour au Maroc. Trois jours plus tard, il a renoué avec ses congés, cette fois dans le Nord du pays où il passe en général une bonne partie de l’été. Abu Bakr Azaitar a débarqué à Tanger le premier week-end de juillet. Il a été vu avec le roi dans une voiture décapotable sur la côte d’Achakar et également à proximité de la résidence royale Lalla Oum Sidi. Ils ont dîné, enfin, à bord d’un voilier dans la marina de la ville (Marina Bay). Bon nombre de ces informations ont été rapportées par la presse marocaine, surtout par le quotidien « Akhbar al Youm » de Casablanca.

Mai 2018. Le roi invite à un Ftour les frères Azaitar en un ami. (DR)


« Nous aimons notre roi ! »

Ensemble, ils ont aussi inspecté le palais de Moulay el Mehdi, dans le quartier de Marchane à Tanger, que le roi a décidé de mettre à la disposition d’Abu Bakr Azaitar pour qu’il soit transformé un club sportif. Il en sera le directeur, d’après la presse marocaine. L’hôte de Sa Majesté en est bien évidement très reconnaissant. Il remercie constamment le roi sur les réseaux sociaux et chante ses louanges.

« C’est incroyable à quel point il prend soin de nous », écrivait Abu Bakr Azaitar en anglais à la fin du mois de mai juste après le fameux « ftour ». « Mille mercis pour tout! » « Nous aimons notre roi! » Il « (…) a rendu possible ma préparation à la lutte en créant une bonne ambiance à ses côtés », concluait-il.

Abu Azaitar le 20 mai dans un avion de la Force Aérienne marocaine voyageant entre l’Europe et la Maroc. (DR)


La préparation a été une réussite. Premier Marocain inscrit à l’Ultimade Fighting Championship (UFC), une compétition prestigieuse, Abu Bakr Azaitar n’a fait qu’une bouchée de son adversaire, le Brésilien Vitor Miranda, le 22 juillet au Barclaycard Arena de Hambourg. À peine terminé le match, sans même avoir quitté le ring, il a crié la gorge nouée par l’émotion : « Je remercie mon roi Mohamed VI qui m’a soutenu, merci papa, merci maman, vive le roi. » Il s’est époumoné à la fin pour conclure avec un « Allah Akbar ».

Surnommé le « Gladiateur » dans les cercles sportifs qu’il fréquente, Abu Bakr Azaitar est né comme ses frères en Allemagne où ses parents ont émigré du Maroc. Tous les trois ont la nationalité allemande, mais, contrairement aux autres enfants d’immigrés, ils parlent couramment l’arabe. Ils ont été inscrits à la König-Fahd Akademie (Académie du roi Fahd) à Bonn, financée par l’Arabie saoudite jusqu’à sa fermeture fin 2016. Cet établissement fut d’ailleurs l’objet d’une enquête de police au début de la dernière décennie à cause de ses liens supposés avec l’organisation terroriste Al-Qaïda. Aucun des frères Azaitar n’a cependant montré la moindre sympathie pour l’islam radical.

Mohamed VI et Abu Bakr Azaitar en juin au Maroc. (DR)


Leurs démêlés avec la justice ont été d’un autre ordre, mais le sport, surtout les arts martiaux, ont été apparemment la planche de salut de ces jeunes un moment égarés. Quand il avait 17 ans, Abu Bakr a été accusé « d’agresser brutalement un homme d’affaires, menaçant de le tuer en l’aspergeant d’essence » pour voler sa Ferrari, une voiture de luxe, rapporte « Bloody Elbow », une publication spécialisée dans les arts martiaux. « Le début d’Abou Azaitar à l’UFC de Hambourg marqué par son passé criminel » est le titre au vitriol de cette enquête journalistique.

Abu Bakr Azaitar sur sa page Facebook


Lalla Salma autorisée à quitter le pays

Abu Bakr Azaitar a été condamné en juin 2004 à deux ans et trois mois et son complice, son frère Omar, a lui écopé de 20 mois avec sursis. Il n’a donc pas fait de prison. Le jeune Abu Bakr, qui a terminé de purger sa peine à l’âge de 20 ans, a par la suite raconté à la télévision de Cologne sa vie derrière les barreaux consacrée, selon lui, à la protection des « prisonniers allemands face à certains groupes étrangers sans scrupules ».

À sa sortie de prison, en 2006, sa réinsertion n’était pas encore tout à fait achevée. « Bloody Elbow » en veut pour preuve qu’il a encore frappé un autre athlète dans un gymnase et a fini par lui casser le nez. Sa petite amie d’alors a également déposé une plainte contre lui pour l’avoir agressée, provoquant même l’éclatement de son tympan, sur un marché de Noël. Abu Bakr Azaitar s’est finalement assagi à partir de 2007 grâce, paradoxalement, aux arts martiaux auxquels il se consacre à plein temps.

Quand Abu Bakr Azaitar anéantissait son adversaire sur le ring de Hambourg, le roi, lui, changeait de décor pour ses vacances. Il ne montait pas sur le ring mais il se rendait dans la ville plus contestataire du Maroc, Al Hoceima, la capitale historique du Rif. C’est un de ses lieux de villégiature préférés, mais l’année dernière il avait renoncé à s’y rendre car le bruit des charges de police pour dissoudre les manifestations s’était à peine estompé. Cette fois, avec près de 500 activistes rifains emprisonnés, le calme y règne. On a donc pu voir Mohamed VI conduire une voiture décapotable dans les rues d’Al Hoceima accompagné de son frère, Moulay Rachid, et de son principal conseiller, Fouad Ali el Himma.

Son ex-épouse, la princesse Lalla Salma, a elle été autorisée pour la première fois depuis le divorce à quitter le pays pour passer quelques jours en vacances avec ses enfants, le prince héritier Moulay Hassan et la princesse Lalla Khadija. Elle est retournée à sa destination favorite, la Grèce, puis cette semaine à Nice. Tous trois ont dû sans doute faire une excursion à Portofino (Italie). Une présentatrice marocaine d’une chaîne télé du Golfe l’a croisée dans cette pittoresque ville italienne proche de la frontière française et elle l’a aussitôt rapporté sur les réseaux sociaux.

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