En le nommant Premier ministre mercredi 30 juin, le président de la République Abdelmadjid Tebboune avait clairement fixé à Aimene Benabderrahmane la priorité des priorités : la relance de la machine économique, en panne depuis le recul des recettes du pays en hydrocarbures, et même depuis toujours si l’on considère que la vraie relance passe par la diversification.
Beaucoup avaient prédit la création d’un méga-ministère de l’Economie afin de centraliser la décision et mener la bataille de la relance dans le cadre d’une stratégie globale. Il n’en sera rien.
Le schéma de ces deux dernières décennies est maintenu avec le nouveau gouvernement dont la composition a été dévoilée hier mercredi 7 juillet, avec un ministère des Finances qui concentre la gestion du budget, et la dispersion de la décision économique sur au moins cinq départements.
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Un schéma qui a montré ses limites ne serait-ce que parce que la diversification tant promise n’a jamais eu lieu. Pour changer, et mieux illustrer l’importance accordée à la bourse publique, le Premier ministre garde le poste de ministre des Finances qu’il détient depuis une année.
L’Algérie a connu pareille expérience malheureuse dans une autre conjoncture de graves difficultés économiques. En octobre 1991, le chef du gouvernement Sid Ahmed Ghozali devient aussi ministre de l’Economie, avec deux ministres délégués, un au Budget et un autre au Trésor.
Son successeur en juillet 1992, Belaïd Abdeslam, reconduit la formule et gère lui-même le portefeuille de l’économie, dont les prérogatives étaient celles du ministère des Finances d’aujourd’hui. La décision économique était tout aussi dispersée que maintenant et le ministre de l’Economie ne faisait que gérer les équilibres budgétaires et macro-économiques.
Le pays traversait alors l’une des plus dures crises de son histoire, sinon la pire, qui le mènera en 1994 à solliciter l’aide du Fond monétaire international (FMI) et son plan d’ajustement structurel contraignant. Pour le résultat, il faut dire qu’il n’y eut point de diversification de l’économie et le pays a continué à évoluer sur le fil du rasoir jusqu’au miracle pétrolier du début des années 2000.
La situation au début des années 1990 était intenable avec une dette colossale (dont le service dépassait les recettes des exportations d’hydrocarbures), et presque rien dans les caisses (1 milliard de dollars de réserves de change). Elle n’est pas comparable à celle d’aujourd’hui, sinon par la panne de l’économie productive et la dépendance quasi-totale aux hydrocarbures.
Une gestion « financière » de la crise
Aïmene Benabderrahmane gérera donc lui-même les Finances et continuera à tracer les lignes directrices de la gestion de l’argent public et à exécuter les instructions du président de la République dans ce domaine.
La relance de l’investissement, elle, est confiée à cinq ou six ministres, chacun dans son secteur respectif. On pense notamment à ceux de l’Industrie, de l’Energie, de l’Agriculture, du Tourisme, des PME/PMI et des Start-up.
Mais à voir le casting et l’ordre protocolaire des ministères, on ne peut s’empêcher de se demander si un intérêt réel est accordé aux secteurs potentiellement générateurs de richesses. Certains départements, censés être névralgiques dans la conjoncture actuelle et pour les objectifs de l’heure, sont réduits à des strapontins.
Ou les ministres n’auront comme tâche que la mise en œuvre du « programme du président de la République », ce qui est du reste le mandat même du gouvernement, ou alors les hautes autorités elles-mêmes ne croient pas au miracle d’une relance immédiate et n’ont de perspective qu’une remontée providentielle des prix du brut. En somme, c’est la gestion « financière » de la crise qui se poursuivra.
Le secteur sur lequel, officiellement, l’Algérie table le plus pour sortir de la dépendance au pétrole et au gaz, c’est l’industrie. Or, dans l’ordre protocolaire du nouvel Exécutif, il est dans le ventre mou du tableau, plus bas que des secteurs loin d’être stratégiques comme la formation professionnelle, la culture, le sport ou la solidarité.
Même le titulaire du portefeuille ne présente pas le profil d’un poids lourd aux idées tranchées. C’est même un parfait inconnu, y compris pour les puissants moteurs de recherche sur Internet. Rien d’étonnant néanmoins quand on sait que le département est réduit ces derniers mois à s’occuper plus de la tâche bureaucratique de délivrance de licences d’importation de véhicules que d’autre chose.
Le même constat peut être fait pour le secteur du tourisme, relégué au bas du tableau et confié à une novice dans la politique et la gestion. Plus que l’industrie, le tourisme a cet avantage de constituer un gisement prêt à être exploité dans l’immédiat, du moins dès la fin de la crise sanitaire. Le produit, que sont la destination Algérie, les sites naturels et historiques ainsi que les infrastructures, est prêt et il suffit de faire l’effort de le vendre sans passer par la case contraignante des lourds investissements.