Dans les années du pétrole cher, l’Algérie a énormément investi dans les infrastructures de base. L’autoroute Est-Ouest, cette veine qui irrigue le nord du pays sur 1200 kilomètres, a été construite pendant cette période-là, pour plusieurs milliards de dollars.
Au même titre que la Grande mosquée d’Alger, de nombreux stades de football aux normes internationales, des barrages de grande capacité et des systèmes de transfert d’eau, des stations de dessalement de l’eau de mer, des millions de logements…
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Les responsables qui avaient dépensé sans compter ont cependant omis de prévoir des mécanismes pour le financement de l’entretien nécessaire pour les préserver et les maintenir fonctionnels le plus longtemps possible.
L’Algérie avait agi comme si la rente pétrolière était éternelle et que l’État allait pouvoir garder pour toujours son train de vie.
Le débat a été relancé par le coup de gueule du sélectionneur de l’équipe nationale de football, Djamel Belmadi, choqué par l’état de la pelouse du stade de Blida qui allait abriter un match de qualifications pour la Coupe du monde, jeudi 2 septembre.
Djamel Belmadi s’en est pris à ceux qui étaient chargés de l’entretien de la pelouse et qui n’auraient « pas fait leur travail » pendant les chauds mois de l’été.
A-t-il tort ? Quelque part, oui, car la problématique est plus complexe et dépasse le simple jardinier et même le directeur du stade. L’Algérie n’a pas une politique efficiente d’entretien des infrastructures publiques et le stade de Blida n’est qu’un échantillon de l’immense dysfonctionnement.
C’est l’État qui doit à chaque fois mettre la main à la poche parce que ce même État n’a rien fait pour rendre rentable l’infrastructure.
Moins d’une semaine après la montée au créneau de Djamel Belmadi, l’équipe nationale s’est rendue au Maroc pour disputer un autre match dans le cadre de la même compétition, à Marrakech.
Les internautes décrivent le Grand stade de la ville, inauguré en 2010, comme une petite merveille. Le climat saharien de la région ne semble avoir d’effet sur la qualité de la pelouse.
Pourquoi un tel écart entre ce stade du sud du Maroc et les stades algériens, puisque, selon Belmadi, il n’y a aucun terrain valable dans toute l’Algérie ? La différence est peut-être dans la rentabilité. Situé dans une ville touristique mondialement connue, le stade de Marrakech a la possibilité de fonctionner pendant toute l’année, de servir de lieu de stage à des clubs étranger et même d’abriter des activités en dehors du sport, comme les galas artistiques.
Des gouffres pour la bourse publique
C’est juste une supposition, mais le contraire est vrai pour les stades algériens, mis gratuitement à la disposition de clubs, eux-mêmes gros consommateurs de l’argent public sans lequel ils mettraient tous la clé sous le paillasson.
L’entretien d’une grande infrastructure sportive coûte cher et sans un minimum de rentabilité, elle devient un gouffre pour la bourse publique. Or, les moyens de l’État ne sont pas illimités.
Cela est aussi vrai pour l’autoroute Est-Ouest. Certains tronçons sont déjà presque hors d’usage après seulement quelques d’années d’exploitation. Un exemple saute particulièrement aux yeux : d’El Asnam, dans la wilaya de Bouira, jusqu’aux tunnels de Bouzegza (Boumerdès), deux voies sur trois du sens menant vers Alger sont presque impraticables.
Le trafic important de poids lourds, souvent surchargés ; a gravement endommagé la voie de droite et en partie celle du milieu, désormais cabossées en plusieurs endroits, constituant un danger pour les automobilistes, dégradant le matériel et ralentissant sensiblement la circulation.
À la dégradation de cette partie de l’autoroute s’ajoutent la détérioration des glissières de sécurité et la signalisation verticale, l’effacement de la signalisation horizontale, la présence de vendeurs anarchiques sur les abords et la liste est encore longue.
Plusieurs facteurs ont certes amené à cette situation, des erreurs de l’étude aux malfaçons dans la réalisation. Mais il y a aussi l’incapacité de l’État à répondre aux frais exorbitants que nécessite l’entretien d’une telle infrastructure.
Des tronçons ont déjà été refaits et les travaux ont coûté presque autant que ceux de la réalisation.
En attendant l’entrée en service du péage annoncé, c’est l’État qui doit tout prendre en charge. Pour une autoroute de 1200 kilomètres en 2×3 voies, cela doit coûter excessivement cher.
L’Algérie n’a pas seulement omis de penser au financement de l’entretien de ses grandes infrastructures inaugurées en grande pompe, elle s’est aussi très peu souciée d’acquérir la « technicité » nécessaire pour cela.
Dans les contrats signés avec les grands groupes étrangers, il a été souvent exigé de permettre le transfert de savoir-faire et de technologie en matière de réalisation. Il fallait peut-être penser à étendre l’exigence aux techniques modernes de gestion et d’entretien…