L’Algérie s’apprête à vivre un week-end décisif. Ce vendredi 5 juillet ne sera pas seulement le vingtième depuis le début du mouvement de contestation populaire, mais coïncidera aussi avec la célébration de la fête d’indépendance.
Il coïncide aussi avec une panoplie d’événements en lien avec la situation politique du pays dont la nouvelle formule de dialogue dévoilée par le chef de l’Etat, la multiplication des initiatives de l’opposition, les arrestations de manifestants et d’opposants, la poursuite des atteintes aux libertés d’opinion et de la presse, la petite concession faite par le pouvoir avec la démission du président de l’APN…
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Une situation pour le moins paradoxale avec d’un côté le durcissement de l’attitude du pouvoir vis-à-vis du hirak et le recul du champ des libertés, et de l’autre une petite possibilité d’entrevoir le bout du tunnel.
Le chef de l’Etat par intérim a dévoilé ce mercredi une approche pour le règlement de la crise qualifiée de « nouvelle » mais toujours articulée autour de la solution constitutionnelle et l’organisation de l’élection présidentielle dès que possible.
La nouveauté réside en fait dans l’engagement du pouvoir à ne jouer aucun rôle dans le processus du dialogue, laissant à l’opposition et à la société civile le soin de s’entendre sur les mécanismes, les garanties et le calendrier électoral.
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De son côté, une partie de l’opposition, regroupée dans ce qui est appelé les Forces du changement, s’apprête à tenir des assises ce samedi.
Une dizaine de partis, des confédérations syndicales, des associations de la société civile et des personnalités nationales devraient participer à « la conférence de dialogue national » à laquelle est assigné l’objectif de dégager une synthèse de toutes les propositions, y compris celle du pouvoir.
« Nous souhaitons arriver à une synthèse entre la solution politique et la solution institutionnelle, donc constitutionnelle. Nous proposons le retour au processus électoral après un vaste accord entre l’opposition et la société civile et toutes les parties qui portent les véritables revendications du hirak », a indiqué ce mercredi à TSA le coordinateur de la conférence Abdelaziz Rahabi.
En attendant la plateforme qui ressortira de la conférence, le pouvoir semble avoir anticipé les choses en rendant publique sa proposition.
Il est inutile de spéculer sur les dessous de cette coïncidence qui du reste livrera ses secrets le moment opportun, mais l’autre partie de l’opposition qui a lancé l’appel aux forces de l’alternative démocratique, a émis des soupçons à peine voilés concernant la démarche des Forces du changement et ce, immédiatement après l’annonce de la tenue de la conférence du dialogue.
Le 18 juin, sept partis, dont le RCD et le FFS, ont lancé leur propre initiative et semblent décidés à bouder celle de l’autre camp. Karim Tabbou ne fait pas partie des signataires de l’appel, mais il nourrit le même scepticisme qu’il a d’ailleurs exprimé ce mercredi sans ambages dans les colonnes d’El Watan. « Je le dis avec regret, une partie de la classe politique considère que son avenir dépend beaucoup plus de sa compromission avec le pouvoir que de son engagement dans le cadre de cette révolution », accuse-t-il.
Sans être irréversible peut-être, le schisme dans les rangs de l’opposition est cependant réel. Quand bien même la conférence de ce samedi parviendra à dégager une feuille de route, il manquera ce consensus sans lequel il sera difficile de l’imposer au pouvoir et encore moins de la faire accepter par le hirak.
Ce dernier s’apprête à vivre un vingtième vendredi qu’on annonce différent des précédents. Jamais en effet depuis les premières marches, le 22 février, autant d’appels à marcher n’ont été lancés. Avant même le dix-neuvième acte, les manifestants se sont donné le mot pour sortir en masse à l’occasion du 57e anniversaire de l’indépendance. Même des personnalités politiques se sont mises cette fois de la partie en lançant un appel collectif à manifester.
Si le pouvoir a multiplié les mesures dissuasives ces dernières semaines, c’est sans doute parce qu’il n’est pas sans savoir qu’une très forte mobilisation en cette date symbolique signifiera le rejet définitif de sa démarche et qu’il lui faudra faire une proposition plus sérieuse et mettre en œuvre des mesures d’apaisement au risque d’essuyer un autre camouflet après celui de son échec à organiser la présidentielle le 4 juillet.
L’opposition, elle, s’est choisi une position plus confortable. En programmant sa conférence pour le lendemain des marches, elle pourra toujours agir en fonction des slogans des manifestants qu’elle ne pourra pas contrarier sans conforter les conjectures qui entourent déjà sa démarche.
Ce vingtième vendredi, plus que les précédents, s’annonce décisif pour les plans du pouvoir, la démarche de l’opposition et le devenir du hirak.
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