Le cinquantième Forum économique mondial s’est ouvert pour une semaine à Davos avec un choc attendu entre la jeune militante activiste, Greta Thunberg, et le président des États-Unis, Donald Trump. Le choc de l’ancien et du nouveau monde, dans un Davos converti, en moins en parole, au Green, nouvelle couleur du business écolo-responsable.
Pour ouvrir le cinquantième sommet de son Forum économique mondial, Klaus Schwab, le fondateur du World Economic Forum ne pouvait pas imaginer meilleure affiche. Greta Thunberg, l’activiste suédoise de la lutte contre le réchauffement de la planète, contre Donald J. Trump, le président climato-sceptique des États-Unis. Le spectacle a été à la hauteur des espoirs des 2.800 participants venus débattre de l’état du monde dans la petite station suisse des Grisons autour du thème, inspiré des origines du « Davos spirit », d’un capitalisme responsable et partenarial : l’édition 2020 est titrée « Parties prenantes pour un monde cohésif et soutenable » avec une montée de la prise de conscience des risques climatiques, en tête des préoccupations des chefs d’entreprise, particulièrement en 2020 puisque le climat et la sauvegarde de la nature sont identifiés comme les cinq principales menaces pour le business dans l’enquête annuelle Global Risks.
Dialogue de sourds
La passe d’armes annoncée a donc bien eu lieu, par discours interposés: quelques heures après que Greta Thunberg, en compagnie de trois autres jeunes activistes, ait de nouveau fustigé l’inaction des dirigeants – “Le climat et l’environnement sont un sujet d’actualité aujourd’hui”, mais “en pratique, rien n’a été fait […] les émissions de CO2 n’ont pas diminué” -, le président américain Donald Trump a dénoncé les “prophètes de malheur” du climat, sous les yeux de la jeune militante suèdoise.
“Nous devons rejeter les éternels prophètes de malheur et leurs prédictions d’apocalypse”, a martelé Donald Trump devant l’élite économique et politique mondiale. Dans un discours clairement prononcé dans un but électoral, le président américain, en campagne et placé sous la menace d’une procédure d’ « impeachment » – qu’il a qualifiée de « farce » -, a affirmé la réussite de son action citant les « 7 millions d’emplois » créés, un taux de chômage au plus bas y compris pour les minorités et souligné l’attractivité des États-Unis devenus énergétiquement indépendants et exportateur de gaz et de pétrole, sans jamais, ultime provocation, évoquer les énergies renouvelables.
De son côté, au cours d’une table ronde sobrement intitulée “comment éviter l’apocalypse climatique”, Greta Thunberg a enfoncé le clou devant les milieux économique : “nous ne vous demandons pas de baisser les émissions de CO2, ni de viser à être neutre en carbone dans 30 ans, ni même dans 10 ans, mais d’agir pour les stopper aujourd’hui”, car c’est ce qu’exige, selon elle, la science pour éviter un réchauffement de plus de 1,5°C comme fixé à Paris en 2015. “Même si les changements à faire sont inconfortables pour vous, nous ne céderont pas ce combat qui est celui de ma génération”, a insisté la jeune suédoise devant les chefs d’entreprises.
Côté Trump, lui non plus ne lâche rien de ses convictions. Lors de sa première venue à Davos en 2018, l’hôte de la Maison Blanche avait affirmé que le slogan « L’Amérique d’abord » ne signifiait pas « l’Amérique seule ». En 2020, le président des États-Unis a vanté sa politique de fermeté en mettant en avant la trêve signée la semaine dernière dans la guerre commerciale sino-américaine. “Le temps du scepticisme est terminé, les entreprises affluent de nouveau aux États-Unis”, a-t-il insisté.
Prise en compte de l’urgence climatique
Pour autant, la question climatique est bien dominante à Davos cette année où la plupart des conférences traduisent la prise en compte de cet impact : l’avenir des océans, le plastique, l’économie circulaire, l’énergie verte figurent aux premiers rangs. Dans son discours d’ouverture, le professeur Klaus Schwab a affirmé que « le monde était en état d’urgence » et appelé à retrouver l’esprit du capitalisme partenarial dont il a été l’origine. Pour l’inclusion sociale, le World Economic Forum lance une plateforme dédiée à l’éducation via le numérique visant à former 1 milliard de personnes en dix ans. De même pour le climat, le WEF lance une initiative pour planter 1000 milliards d’arbres d’ici 2030 (1 trillion !), dans le cadre d’une plateforme publique privée à laquelle peuvent adhérer les entreprises et les États. L’Arabie Saoudite de Mohamed Ben Salman tout comme les États-Unis de Trump ont décidé d’y participer. De là à dire qu’il ne s’agit que de se donner bonnes conscience…
“Il y a une énorme progression de la prise de conscience au niveau des grands patrons, mais le défi est de la traduire aux échelons inférieurs, au sein de groupes gigantesques” aux chaînes de production complexes, insiste auprès de l’AFP Marco Lambertini, secrétaire général de l’organisation environnementale WWF.
Selon un rapport de Greenpeace publié mardi, dix banques régulièrement présentes à Davos ont à elles seules financé entre 2015 et 2018 le secteur des énergies fossiles à hauteur de 1.000 milliards de dollars. Le Forum lui-même a été parfois taxé d’hypocrisie climatique en raison du ballet de jets, hélicoptères et limousines qu’il occasionne. Cette année, il tente de montrer l’exemple en bannissant les ustensiles à usage unique, en montant des buffets sans viande, en compensant les émissions carbone ou en prodiguant des conseils sur le carburant utilisé pour les avions privés. Bonne conscience avez-vous dit…