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Guerre d’Algérie : France 5 déprogramme le documentaire sur l’usage d’armes chimiques

Guerre d’Algérie : France 5 déprogramme le documentaire sur l’usage d’armes chimiques

Par luzitanija | Adobe Stock
France - Algérie

Le documentaire sur l’usage d’armes chimiques par l’armée française pendant la guerre d’Algérie ne sera pas diffusé le 16 mars sur France 5, comme prévu initialement.

La chaîne publique française a décidé de déprogrammer le film sans annoncer une nouvelle date pour sa diffusion. Beaucoup y voient un autre acte de censure visant un travail qui dévoile l’utilisation d’armes interdites pendant la guerre d’Algérie.

D’autant plus que ce changement d’avis de la direction du média français survient dans un contexte de fortes tensions entre Alger et Paris, sur des questions politiques ou liées à l’immigration mais aussi d’autres en lien avec le litige mémoriel entre les deux pays. 

« En raison de l’actualité, France 5 modifie sa soirée du « Monde en face » le dimanche 16 mars en rediffusant à 21h05, le documentaire « Opération Trump : Les espions russes à la conquête de l’Amérique » et à 23h00 le documentaire « Russie, un peuple qui marche au pas » », a annoncé ce mardi 11 mars la direction des programmes de France 5 dans un communiqué.

Il s’agit donc, selon cette version officielle, d’un choix dicté par l’actualité et le documentaire « Algérie, sections armes spéciales » sera « reprogrammé ultérieurement », a indiqué la même source.

« Algérie, section armes spéciales » déprogrammée par France 5

« La diffusion (…) de ce film événement, prévue le 16 mars, a été déprogrammée par France Télévision. Pour l’heure, pas de nouvelle date. No comment », a écrit sur les réseaux sociaux l’historien français Fabrice Riceputi, rappelant que le documentaire a bien été diffusé par la télé suisse RTS, dimanche 9 mars.

Le documentaire de 53 minutes, intitulé « Algérie, sections armes spéciales », est réalisé par Claire Billet, qui s’est appuyée sur les travaux de l’historien Christophe Lafay ainsi que sur les souvenirs et les archives personnelles de soldats français et de résistants et civils algériens.

« On a parlé de la torture, des massacres, des viols, des déplacements de population… Mais la guerre chimique est un sujet qui était passé inaperçu », a expliqué l’historien.

C’est la première fois depuis l’indépendance que l’usage d’armes chimiques en Algérie par l’armée française a pu être documenté et porté à la connaissance du public.

Armes chimiques en Algérie : ce que contient un documentaire déprogrammé en France

Au cours de ses recherches, Christophe Lafay a pu déterrer les preuves de l’usage de ce procédé par les autorités coloniales, bien que la France ait ratifié la convention de Genève de1929 prohibant ce type d’armes.

Il a aussi pu déterminer les zones et la période de la guerre d’Algérie où l’armée française a utilisé des armes chimiques.

C’était entre 1956 et 1962, principalement dans les Aurès et en Kabylie contre les combattants de l’ALN retranchés dans des grottes, non sans faire des victimes également parmi la population civile.

Le chercheur a pu répertorier 450 opérations militaires ayant eu recours aux armes chimiques pendant la guerre d’Algérie.

La déprogrammation du documentaire survient alors que l’affaire Jean-Michel Apathie a relancé le débat en France sur les crimes de la colonisation en Algérie.

Le journaliste est attaqué en France et suspendu par RTL pour avoir déclaré que les crimes de la France pendant la conquête de l’Algérie sont comparables à ceux des Allemands pendant la Seconde guerre mondiale. « La France a commis des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie » pendant la conquête coloniale, a rappelé Aphatie.

Usages d’armes chimiques pendant la guerre d’Algérie : l’affaire Apathie a-t-elle pesé dans la décision de France 5 ?

L’historien Benjamin Stora lui a apporté son soutien ce mardi dans Libération en mettant l’accent sur les crimes du colonialisme qui n’ont pas été apportés à la connaissance du public. Pour lui, Apathie a « levé le voile sur une vérité historique méconnue du public », ajoutant que « la brutalité de la conquête coloniale française demeure une réalité longtemps passée sous silence ».

La suspension du journaliste par RTL est, aux yeux de Stora, une « tentative de restreindre le champ de la critique historiographique » et les attaques qui le ciblent illustrent « le danger auquel sont confrontés tous les chercheurs travaillant sur les thèmes du colonialisme et de l’esclavage ».

La déprogrammation du documentaire sur l’usage des armes chimiques en Algérie pourrait rentrer dans la case de ces tentatives de dissimulation que dénonce Benjamin Stora. 

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